Annonce M. Poutine promet à son armée de nouvelles armes nucléaires Le chef du Kremlin a réaffirmé le rang de grande puissance de la Russie, le 17 novembre, en annonçant de nouveaux armements "qui n'existeront pas chez les autres puissances nucléaires". Destiné à conforter les militaires, ce discours est aussi une réponse au projet antimissile américain.Moscou de notre correspondanteVladimir Poutine a voulu réaffirmer, mercredi 17 novembre, le statut de puissance militaire nucléaire de la Russie. Dans une déclaration faite devant l'assemblée annuelle des cadres dirigeants de l'armée, à Moscou, le chef du Kremlin a affirmé que la Russie serait bientôt dotée de nouveaux systèmes d'armements "qui n'existent pas et n'existeront pas dans les prochaines années chez les autres puissances nucléaires". "Nous ne faisons pas que procéder à des recherches et à des essais de missiles nucléaires les plus modernes, a-t-il dit. Je suis persuadé que dans les prochaines années ils feront partie de nos équipements."Le président russe a indiqué que la lutte contre le terrorisme international, "une des principales menaces actuelles", n'allait pas empêcher la Russie de poursuivre un programme de réarmement et de modernisation de ses forces stratégiques. "Il suffirait que nous affaiblissions notre attention concernant ces composantes de notre défense, qui forment notre bouclier de missiles nucléaires, pour que nous nous trouvions confrontés à d'autres menaces." Le président russe n'a pas précisé en quoi consistaient ces menaces.Washington a réagi à ces propos en en minimisant la portée. "Nous ne voyons là rien de nouveau, a commenté un porte-parole de la Maison Blanche, les efforts de la partie russe en matière de modernisation dans ce domaine nous sont bien connus." Le Pentagone a précisé que le bouclier antimissile américain n'était "pas conçu contre des attaques à longue portée en provenance de Chine ou de Russie".Les Etats-Unis se sont retirés en 2001 du traité ABM (missiles antibalistiques) signé en 1972 avec l'Union soviétique interdisant la mise en place de boucliers antimissiles. La démarche avait mécontenté Moscou, qui avait réagi, l'année suivante, en dénonçant le traité Start II, ce qui lui permettait d'installer des missiles à ogives nucléaires multiples.Faute de précisions apportées par les officiels russes, les experts à Moscou ont spéculé sur la nature des nouvelles armes évoquées par M. Poutine. "Poutine faisait sans doute allusion à une nouvelle version, mobile, de nos missiles Topol-M, qui n'existent actuellement qu'à l'état fixe, installés dans des silos", estime le spécialiste en armements Andrei Fralov de l'institut Pir. Mais M. Poutine avait peut-être aussi à l'esprit le nouveau missile à lancement maritime "Boulava", dont les premiers essais sont prévus en 2005.Les autorités russes développent en matière d'armements une politique de plus en plus active, à l'heure où Moscou cherche à réaffirmer son poids dans l'espace ex-soviétique, notamment en ouvrant de nouvelles bases militaires en Asie centrale, où des soldats américains ont été déployés en 2001. Quelques heures après les déclarations de M. Poutine, le chef d'état-major des forces aériennes russes, le général Boris Tcheltsov, faisait état d'un bref survol lundi, "près des frontières sud de la Russie" d'un "avion militaire espion américain Orion", ajoutant qu'un tel incident, "le premier du genre, allait sans doute se reproduire à l'avenir" dans la région de la mer Caspienne. Deux Soukhoï-27 ont décollé pour intercepter l'appareil américain, qui a fait demi-tour.Le ministre de la défense russe, Sergueï Ivanov, a détaillé, mercredi, le programme d'équipement des forces armées pour 2005. Il a annoncé l'achat de quatre missiles stratégiques nucléaires à têtes multiples, neuf satellites militaires et cinq lanceurs de missiles. Ces commandes sont les plus importantes depuis cinq ans. La Douma, Chambre basse du Parlement, a adopté, fin septembre, dans la foulée des attentats terroristes qui ont fait plus de 400 morts en Russie, un budget à forte composante sécuritaire. Ce texte accorde à l'armée une augmentation de 3,4 milliards de dollars par rapport à 2004.M. Poutine a mis l'accent, depuis son arrivée au pouvoir en 2000, sur le redressement des forces armées russes, qui restent marquées par la crise économique et sont le théâtre de nombreux abus, dénoncés récemment par un rapport cinglant de l'organisation Human Rights Watch. Celle-ci a fait état de "centaines de suicides ou tentatives de suicide chaque année par des jeunes appelés", et de "milliers cas de désertion".Au lendemain de l'attaque terroriste de Beslan, Vladimir Poutine avait accusé des pays étrangers de vouloir "arracher à la Russie des morceaux juteux". Un responsable de l'administration présidentielle, Vladislav Sourkov, avait ensuite développé une forte rhétorique anti-occidentale, perçue comme le reflet de la tournure d'esprit des "siloviki", les anciens membres du KGB qui peuplent l'entourage de M. Poutine.Le limogeage cet été du chef d'état-major russe, Anatoli Kvachnine en place depuis l'époque Eltsine, a en outre marqué une reprise en main des structures militaires par Vladimir Poutine. Le président s'est prononcé, mercredi, pour la mise en place d'une agence chargée de centraliser les commandes en armements des différentes forces armées. Ce secteur est marqué par de nombreux détournements de fonds."La réalisation des programmes d'armements se fait en réalité avec difficulté depuis des années, souligne l'expert Andrei Fralov. Poutine fait de temps à autre des déclarations rassurant les militaires. Au printemps, il avait déjà tenu des propos similaires, lors d'une visite sur la base de lancement de Plessetsk", dans le Grand Nord russe.Natalie NougayrèdeUne forte hausse du budget militaireLe budget militaire de la Russie.Il s'élève à 520 milliards de roubles (14,85 milliards d'euros) pour 2005, dont l'équivalent de 5,14 milliards d'euros pour l'achat de nouveaux équipements. En 2000, quand Vladimir Poutine est arrivé au pouvoir, le budget était de 9,42 milliards d'euros.Réduction des armements. Le 24 mai 2002, la Russie et les Etats-Unis ont signé un accord sur une réduction des deux tiers, d'ici à 2012, de leurs arsenaux nucléaires stratégiques : de 6 000 à 7 000 charges nucléaires, les arsenaux devront être ramenés à 2 200, puis à 1 500 dans chaque pays, en dix ans. Cet accord ne vise pas les armes tactiques et les têtes nucléaires stockées. Washington possède en outre plus d'un millier d'armes tactiques et 10 000 têtes nucléaires stockées. Les Etats-Unis font confiance à leurs sous-marins stratégiques, contrairement à la Russie qui privilégie les missiles sol-sol.Ventes d'armes. L'agence russe d'Etat Rossoboron Export a vendu en 2004 pour 5 milliards de dollars d'armements à l'étranger.Tchétchénie : les Mères veulent négocierValentina Melnikova, présidente du mouvement des Mères de soldats russe, devrait rencontrer Akhmed Zakaïev, un émissaire du président tchétchène indépendantiste Aslan Maskhadov, le mardi 23 novembre, à Bruxelles, trois jours avant le 10e anniversaire du déclenchement de la guerre en Tchétchénie. En octobre, après la prise d'otages tragique à Beslan, l'organisation non gouvernementale russe a été le seul organisme à proposer d'ouvrir les négociations avec les séparatistes tchétchènes. "Les autorités russes ne font aucune démarche pour que cesse cette guerre. En pareille situation, notre comité, qui représente des mères ayant déjà perdu un fils où ayant des enfants faisant leur service militaire, a bien le droit d'engager des pourparlers", a déclaré Mme Melnikova à la radio russe Echo de Moscou.Les Mères de soldats, qui depuis 1989 aident les jeunes Russes à éviter la conscription, ont annoncé le 7 novembre la création d'un parti politique, le Parti uni populaire des Mères de soldats. Il est déjà accusé par un député nationaliste d'"exécuter des commandes politiques de l'étranger".
