Mort de Lucien Bérardini

Mort Lucien Bérardini, l'homme de l'Aconcagua Lucien Bérardini, dont le nom restera attaché à deux premières mythiques de l'histoire de l'alpinisme, celles de la face ouest des Drus et de la face sud de l'Aconcagua, est mort à Montpellier, vendredi 14 octobre, des suites d'un cancer. Il était âgé de 75 ans. Grimpeur d'excellence et de truculence, il inspirait des amitiés à la vie à la mort, tous milieux et générations confondus. Ses amis ont afflué vers Chamonix, où ses obsèques ont eu lieu mercredi matin. Né à Martigues (Bouches-du-Rhône), le 24 septembre 1930, Lucien Bérardini a grandi en banlieue parisienne, pas loin des rochers de Fontainebleau, qui furent ses premières montagnes. Après la guerre, parmi ceux qui se baptisaient les "pures lumières du rocher" , il se distingua par son talent à user de ses pieds, de ses mains (c'était un varappeur exceptionnel), ainsi que de ses poings, à l'occasion. Il y gagna l'éphémère surnom de "Lulu le Dingue", et une réputation durable qui lui ouvrit les voies de la haute montagne. Apprentissage express sur la falaise du Saussois, ses surplombs inaccessibles du haut desquels il se vantait d'insulter ce qui portait uniforme, puis à Chamonix, et première grande réussite en 1952, à 22 ans : la face ouest des Drus - et personne, ensuite, n'osera plus parler d'"impossible" dans les Alpes. Lucien Bérardini n'aimait pas l'étiquette, mais il en est une qu'il se laissait coller volontiers, celle de grimpeur prolo, porte-parole, ricanait-il récemment, de "la France d'en bas sur les sommets". En 1954, avec un groupe de Parisiens fauchés, il embarque sans billet de retour pour l'Argentine. La face sud de l'Aconcagua (6 960 mètres) est survolée dans un avion prêté par le président Peron, puis remontée en grimpant dans du rocher vertical et pourri, ce qui est une autre affaire. Au quatrième jour, la bande, mal équipée et en voie d'épuisement, se heurte à un ressaut de glace. Lucien Bérardini enlève ses gants et passe - il y perdra plusieurs phalanges et ses orteils. Après l'Aconcagua, Robert Paragot, le seul du groupe à ne pas avoir subi d'amputations, bouscule son ami et lui fait reprendre le chemin des grandes courses. Début d'une belle histoire qu'ils ont racontée dans une aimable cacophonie à deux voix, Vingt ans de cordée (rééd. Arthaud). Bérardini n'était pas guide, mais il aimait passer devant, ouvrir la voie. Emmener, cet été encore, ses amis Pierre Mazeaud et Robert Paragot grimper dans les gorges de la Jonte. Initier des jeunes à l'escalade sur les falaises des Cévennes. Avec Hughes Beauzille, aussi brillant et "dingue" qu'il l'avait été, le courant passa si bien qu'ils prirent ensemble le chemin de l'Aconcagua. C'était en 1994, Lucien accompagna Hughes jusqu'au pied de la face sud. Hughes, grimpant dans ses traces à quarante ans d'intervalle, parvint au sommet en solitaire et y mourut d'épuisement, à 25 ans. Lucien revint à l'Aconcagua l'année suivante, pour y disperser ses cendres ; puis, une dernière fois, l'an passé, pour fêter le cinquantenaire, apaisé.