Condamnation Lourdes peines dans le procès de pédophilie d'AngersLes principaux accusés du plus grand procès de pédophilie jamais organisé en France ont été condamnés, mercredi 27 juillet, à Angers à de lourdes peines par la cour d'assises de Maine-et-Loire, à l'issue de débats entamés le 3 mars qui avaient mis en lumière le caractère sordide du dossier. Au total, 39 hommes et 26 femmes, âgés de 23 à 73 ans, étaient jugés pour des faits de prostitution, viols et agressions sexuelles, ainsi que des délits connexes commis sur 45 enfants, âgés de quelques mois à 12 ans au moment des faits, entre janvier 1999 et février 2002. Pour les principaux accusés, le jury a prononcé des peines proches de celles réclamées par les avocats généraux, qui n'avaient pas requis de réclusion à perpétuité."COUPLE THÉNARDIER"Ainsi Patrica M., 32 ans, et son ex-époux Franck V. ont été condamnés respectivement à 16 et 18 ans de réclusion. Patricia a notamment été reconnue coupable du viol d'une de ses filles et d'avoir prostitué des enfants. Franck a lui été déclaré coupable du viol de 14 enfants, dont les siens. A l'audience, l'avocat général les avaient qualifiés de "couple Thénardier" et avait accusé la mère d'être la "trésorière" du cercle de prostitution enfantine mis au jour par les enquêteurs à Angers.Visant Patricia V., l'avocat général avait notamment mis en exergue dans ce dossier "la terrible réalité des mères incestueuses, proxénètes, indifférentes aux cris de leurs enfants". Son avocate, Me Monique Vimont, avait de son côté plaidé pour une réduction de la peine requise, en raison notamment de son vécu et son enfance difficiles et de son immaturité. Pour ce qui est de son ex-époux, Franck V., il"fait partie de ces hommes qui doivent être écartés pendant longtemps de notre société pour qu'ils prennent conscience de leurs gestes", avait estimé l'avocat général, Yvan Auriel. Son défenseur, Me Pascal Rouiller, avait là aussi demandé une réduction de peine d'au moins deux ans. "Je plaide la culpabilité mais je récuse la sanction requise, à savoir le maximum légal, parce qu'il n'a pas de responsabilité à 100 %", avait-il estimé, rappelant l'enfance douloureuse de son client. Me Rouiller avait également évoqué "un mécanisme de groupe, une machine infernale dont Franck a été un rouage". La plupart des accusés étaient suivis par les services sociaux et le procès a dévoilé le contexte de misère intellectuelle et sexuelle, sur fond d'inceste de génération en génération, dans lequel les enfants ont été avilis, souvent par leurs propres parents.Les peines les plus lourdes ont été infligées aux récidivistes. Le père de Franck V., Philippe V., déjà condamné pour le viol de son fils, a été condamné à 28 ans de réclusion, assortis d'une peine de sûreté de 18 ans. Il a notamment été reconnu coupable du viol d'une de ses petites-filles. Deux autres récidivistes, Eric J. et Jean-Marc J., ont été respectivement condamnés à 28 ans de réclusion, assortis d'une peine de sûreté de 18 ans et à 26 ans de réclusion assortis d'une peine de sûreté de 17 ans. Provoquant un scandale à l'énoncé de sa peine, Jean-Marc J. a dû être expulsé, ce qui a entraîné une suspension d'audience.TROIS ACQUITTEMENTSLa vénalité de certains des accusés avait également été soulignée par l'accusation, notamment à l'encontre de Didier R., proxénète d'enfants, décrit comme "dur, sans scrupules, qui a le sens des affaires et l'a employé pour la prostitution". Il a été condamné à 18 ans de réclusion assortis d'une peine de sûreté de 12 ans. Sur les 65 accusés, seuls trois ont été acquittés et un a bénéficié d'une dispense de peine. La peine la plus faible est de quatre mois avec sursis. Karine R., l'assistante sociale, reconnue coupable au procès de pédophilie d'Angers de non-dénonciation d'agressions sexuelles sur 4 mineurs dont ses deux filles, a été condamnée à un an de prison dont six mois avec sursis.Tout au long des 93 jours d'audience, les avocats de la défense, qui avaient demandé 32 acquittements, ont regretté le gigantisme du procès, évoquant leur crainte d'une "responsabilité collective, d'une culpabilité généralisée". Les neuf jurés (cinq hommes et quatre femmes) ont délibéré avec les trois magistrats de la cour d'assises pendant neuf jours au secret dans l'école supérieure et d'application du génie (ESAG) d'Angers. Tout au long du procès, ils avaient écouté attentivement les débats, au contenu parfois insoutenable, et pris des notes. Ils devaient répondre à 1 974 questions sur la culpabilité des accusés. A l'issue du procès, le président de la cour, Eric Maréchal, a expliqué le verdict à 12 enfants victimes.Deux des quatre avocats de la défense se sont déclarés globalement satisfaits mercredi à l'issue du verdict. "Cette décision répond à nos attentes, car elle a pris en compte l'écoute des enfants. Elle marque la reconnaissance de leur statut de victime", a déclaré Me Jacques Monier. "Les enfants ont entendu le verdict, ils ont été fortement impressionnés", a ajouté l'avocat."C'est un verdict qui me semble équilibré, car il répond à la gravité des faits", a souligné de son côté Me Alain Fouquet. "Manifestement la cour a examiné chaque situation". Il a cependant regretté que la cour n'ait "pas tenu compte de ceux qui avaient osé avouer. Certains avaient reconnu les faits et ont eu des peines sévères. C'est important pour les enfants", a-t-il ajouté.
