Annonce Londres assouplit sa législation antiterroriste visant les étrangers Il ne sera plus possible aux autorités britanniques de détenir de façon illimitée sans jugement ni inculpation les ressortissants étrangers suspectés de terrorisme. Londres a annoncé, mercredi 26 janvier, un profond assouplissement de sa législation antiterroriste visant les étrangers, préfigurant la disparition de ce qu'Amnesty International avait qualifié de "Guantanamo britannique". En intervenant devant la Chambre des communes, le ministre de l'intérieur, Charles Clarke, a été clair : il ne sera plus possible aux autorités britanniques de détenir de façon illimitée sans jugement ni inculpation les ressortissants étrangers suspectés de terrorisme. Mais les 12 étrangers encore détenus à la prison de haute sécurité londonienne de Belmarsh, à Woodhill (Buckinghamshire), ou à Whitemoor (Cambridgeshire), pour certains depuis près de trois ans, ne sont pas encore sortis de leurs cellules. Pas question de les libérer tant que la nouvelle législation ne sera pas adoptée par le Parlement, a insisté le secrétaire au Home Office. Ce qui pourrait prendre des mois. Pas question non plus de les laisser libres de leurs mouvements une fois sortis, a assuré le ministre, selon qui "ils posent toujours une menace à la sécurité nationale". Dans le cadre de "control orders" plus ou moins stricts, ces 12 hommes pourront ainsi être placés sous arrêt domiciliaire, contraints de porter un bracelet électronique, ou être soumis à un couvre-feu. De même, l'ensemble de leurs communications, y compris par Internet, pourront être surveillées. POLÉMIQUE En annonçant cette réforme, Charles Clarke veut en fait éteindre une polémique qui faisait rage depuis des mois autour de la politique de son prédécesseur, David Blunkett. Accusé d'avoir institué de facto un "Guantanamo bis" en Grande-Bretagne, M. Blunkett, qui a démissionné en décembre, avait même réussi à provoquer les Law Lords, plus haute institution judiciaire britannique. Le 16 décembre, à la majorité de 8 contre 1, les magistrats de la Chambre des lords avaient accusé la législation antiterroriste britannique de violer la convention européenne des droits de l'homme. "La véritable menace à la vie de cette nation vient non pas du terrorisme, mais de lois de ce type", avait même asséné l'un de ces magistrats. S'inclinant devant la décision des Law Lords, Charles Clarke a cependant tenu à défendre le travail de son précécesseur. Ces pouvoirs ont été utilisés "avec une extrême parcimonie", a-t-il insisté, soulignant que seulement 17 ressortissants étrangers au total ont été incarcées. Désormais, la Grande-Bretagne ne peut plus être perçue comme "un havre de paix pour les terroristes", s'est-il félicité. Reste que les nouvelles propositions de Charles Clarke n'ont pas été accueillies favorablement parmi les juristes et les avocats spécialisés dans les droits humains. Commentant la possibilité de placer quelqu'un sous arrêt domiciliaire, Louise Christian, l'une des avocates défendant les quatre derniers détenus Britanniques revenus de Guantanamo mardi, a ainsi estimé qu'il s'agissait "du genre de mesures prises en Birmanie contre Aung San Suu Kyi". "Il ne s'agit ni plus ni moins que de nouvelles violations des droits de l'homme en Grande-Bretagne", a estimé de son côté Clive Stafford-Smith, un autre avocat des "quatre de Guantanamo". Ian Macdonald, un de ces "avocats spéciaux" chargés de traiter des dossiers de terrorisme et qui a récemment démissionné pour protester contre la législation antiterroriste britannique, n'a pas été plus tendre : "C'est absolument scandaleux, il s'agit toujours d'une incarcération", a-t-il asséné.