Annonce L'ombre de Pékin sur le conflit Tchad-SoudanPour faire main basse sur le pétrole, la Chine est soupçonnée de soutenir Khartoum.La guerre civile au Tchad est-elle un conflit entre grandes puissances pour le pétrole ? La question est ouvertement posée depuis que Pékin est accusé d'avoir aidé et armé les rebelles du Front uni pour le changement (FUC), lesquels ont effectué un raid sanglant dans la capitale tchadienne le 13 avril. Aidé par la France, Idriss Déby a repoussé la menace au prix de violents combats.Réfugiés. Pour le président tchadien, le FUC n'est que le bras armé du Soudan, qui chercherait à mettre en place à N'Djamena un régime moins favorable aux rebelles du Darfour. Ces derniers, en guerre ouverte avec Khartoum depuis trois ans, utilisent souvent le Tchad, où sont installés 200 000 réfugiés soudanais du Darfour, comme base arrière. De sources concordantes, le soutien soudanais à la rébellion tchadienne est avéré, tout comme celui du Tchad à la rébellion du Darfour. Si cette guerre entre voisins par rébellions interposées n'est pas une surprise, quel intérêt Pékin aurait-il à livrer des armes et des 4 x 4 au FUC, comme l'affirme la dernière édition du Journal du Dimanche, citant une source soudanaise anonyme ?C'est qu'en fait se déroule un immense Kriegspiel au coeur de l'Afrique pour le contrôle de l'or noir. Pékin importe déjà 10 % de ses importations de pétrole du Soudan, où les Chinois contrôlent, avec les Malaisiens, une bonne part de la production, qui est passée, depuis la semaine dernière, à 500 000 barils par jour. Ce pétrole est exporté en Chine par Port-Soudan, via un oléoduc construit... par la Chine. En échange, Pékin a octroyé un important prêt en aide budgétaire directe à Khartoum et a toujours «couvert» le Soudan au Conseil de sécurité de l'ONU, opposant la menace d'un veto à des sanctions pour les exactions commises au Darfour ou à un embargo total sur les armes.En finançant les rebelles du FUC, Pékin lorgnerait le pétrole tchadien (200 000 b/j), extrait dans le sud du pays par un consortium américano-malaisien et évacué vers les Etats-Unis par le port camerounais de Kribi, dans le golfe de Guinée. Un gouvernement plus favorable à N'Djamena pourrait octroyer des permis pétroliers et autoriser la jonction entre le sud du Tchad et le Soudan par oléoduc pour inverser le flux de l'or noir. La Chine s'intéresserait même au sous-sol du Darfour, qui pourrait recéler des hydrocarbures. La guerre entre Washington et Pékin aurait donc déjà commencé, dans les sables africains...Niveau. Si personne ne conteste cette analyse géopolitique, reste à savoir le niveau d'implication de Pékin. «Il n'existe pour l'instant aucune preuve de l'implication du gouvernement chinois», explique un responsable français, qui fait aussi remarquer que Pékin n'a probablement pas apprécié que le Tchad reconnaisse Taïwan.Cet engagement chinois serait une première, d'autant que Pékin ne veut pas d'un conflit frontal avec la France en Afrique. Il n'est pas exclu, en revanche, qu'une compagnie privée pétrolière chinoise ait des accointances avec les rebelles tchadiens. Les Chinois ont déjà soutenu des opérations de nettoyage ethnique dans les zones pétrolières du Sud-Soudan. Plus probablement, la Chine a laissé faire son allié soudanais, qui produit des armes sous licence chinoise et les livre au FUC. Jusqu'ici, Pékin n'a jamais eu à se plaindre des initiatives de Khartoum.
