Concert L'Olympia affiche complet pour les journalistes disparus Hier soir, un concert de solidarité à Paris a réuni plus de 2000 personnes. les dizaines de mains s'étalent sur le mur. Des mains de chanteurs imprimées, dans le plâtre, de tous les styles, de toutes les époques. Devant ce monument de la variété française, d'autres artistes viennent, un par un, expliquer leur présence à l'Olympia, avant le lever de rideau. Face aux photographes et aux caméras, ils parlent cette fois de leurs mains tendues à ces journalistes portés disparus. «Nous venons lancer un signe à ces gens en détresse... Et pour apaiser la folie des hommes, on essaye de leur envoyer de la musique», explique Sapho. «Le message, c'est qu'on est là, que ces photos sont accrochées et que, petit à petit, on fasse honte à ceux qui les détiennent», déclare Charles Aznavour. Est-ce utile ? «Si ça ne l'était pas, je ne serais pas là. Le soir, je ne sors pas beaucoup.» Les «photos» sont suspendues au-dessus des planches. Aux visages de Florence et de Hussein, s'est ajouté celui de Giuliana Sgrena, l'envoyée spéciale du quotidien italien Il Manifesto, enlevée à Bagdad le 4 février. Sur le tract géant intitulé «solidaire» projeté sur la scène, figurent aussi les noms de Guy-André Kieffer et Frédéric Nérac, «journalistes manquants depuis de long mois». Le premier a disparu le 16 avril 2004 à Abidjan, en Côte-d'Ivoire. Le second dans le sud de l'Irak, en mars 2003, au début de la guerre. Leurs épouses aimeraient «qu'on ne les oublie pas non plus... Car il ne peut pas y avoir de journalistes plus égaux que d'autres sur l'échelle de la solidarité». «Tam-tam». Comme Maxime Le Forestier, Rachid Taha, Georges Moustaki, Yves Simon et tous les autres, Manu Dibango est, bien sûr, venu pour eux, pour eux cinq, mais aussi pour leurs confrères africains «tués, arrêtés». Il compare les reporters à des «tam-tams», à des «caisses de résonance» qui réveillent les âmes, alertent les opinions. Ce soir, tous les invités leur rendent la pareille. Ils mêlent leurs voix, ils battent le tocsin, pour ces crieurs publics en danger. «De prisons en prisons, de cellules en cellules, pour avoir informé, preuves à l'appui pourtant, je ne suis plus un nom, pas même un matricule. Pour délit d'opinion, je suis un mort vivant», entonne Aznavour le poing tendu. Une chanson écrite en hommage à Abraham Serfati, qui fut l'un des plus longs prisonniers politiques du Maroc. Avant de regagner les coulisses, il se contente de montrer du doigt les trois photos suspendues. Dans la salle, d'autres mains se tendent, applaudissent. Des mains anonymes ou connues. Il y a des hommes politiques, Nicolas Sarkozy, Jack Lang, François Hollande, Lionel Jospin..., des acteurs, des amis, des parents, des défenseurs de la liberté d'informer ou de simples fans. Des spectateurs qui disent ne pas comprendre ce «silence», cette «absence de nouvelle», cette attitude «bizarre» des gouvernants, parce que secrète. «Les autorités françaises ont choisi la stratégie de la discrétion à la différence de ce qui a pu prévaloir dans d'autres cas», explique Serge July, directeur de Libération et coorganisateur de la soirée avec Reporters sans frontières (RSF). Si les services français sont les seuls «qui peuvent oeuvrer pratiquement sur le terrain pour rendre à Florence et Hussein leur liberté», cela ne suffit pas. «A chaque fois, nous avons vérifié que la mobilisation de l'opinion a été décisive pour que les efforts s'accélèrent mais aussi pour protéger les otages.» Tapage. Un message martelé par Robert Ménard, président de RSF. «Nous, c'est le maximum de tapage, le maximum de bruit. Et ce soir, on va faire du bruit qui va être entendu jusque-là bas.» L'événement est retransmis en direct par RMC Moyen-Orient, une radio très écoutée à Bagdad, que l'on peut capter en FM. Jean-Paul Kauffman avait raconté comment un jour «un de ces milliers de messages, lancés comme des bouteilles à la mer, lui était parvenu. Sa femme et son fils lui parlaient», a rappelé Serge July. Le père de Florence, Benoît Aubenas, en est également convaincu : «Ce message d'espoir exprimé par cette soirée leur parviendra.»