Annonce LogementPolitique de la ville: Borloo vend ses maisonsLe projet de pavillons à 100 000 euros du ministre de la Cohésion sociale semble ne tenir la route ni sur le plan financier, ni en termes de logique urbaine.Les sommes rondes se prêtent bien aux effets d'annonces. Après l'ordinateur, puis le permis de conduire, à 1 euro par jour, voici le troisième chiffre magique du gouvernement annoncé hier par le ministre de la Cohésion sociale, Jean-Louis Borloo: la maison à 100 000 euros. Visite de chantier hier à Montereau, en Seine-et-Marne, par Jean-Louis Borloo et le Premier ministre en personne.60% des ménages les moins riches pourraient bénéficier de ce nouveau dispositif immobilier, soit plusieurs millions de foyers auxquels on fait miroiter un joli rêve de maison pas chère. Mais aussitôt les annonces faites, les critiques ont fusé. «C'est un effet d'annonce totalement déplacé. Il y a beaucoup de gens qui vont croire cela et qui risquent de tomber de haut», commentait hier un important constructeur de maisons individuelles. Calculettes en main, les professionnels du secteur n'ont pas mis longtemps à démontrer que, même en comprimant au maximum tous les coûts, on ne peut pas réaliser une maison à ce prix. «100 000 euros, cela correspond grosso modo au prix d'une maison neuve sans le terrain. Or, autour des grandes agglomérations, le coût du foncier est souvent aussi important que celui du bâti», expliquait hier Maurice Pénaruiz, président de la Fédération française des constructeurs (FFC). Au Snal (Syndicat national des professionnels de l'aménagement et du lotissement), on atteste aussi de l'impact considérable du coût du terrain dans une opération d'accession à la propriété, avec un prix moyen de 59 400 euros . Dans les agglomérations, où vivent 80 % de la population française, c'est encore beaucoup plus. «En troisième couronne parisienne, du côté de Marne-la-Vallée ou de Melun par exemple, il faut souvent compter de 90 000 à 100 000 euros pour une parcelle de 600 m2», affirme Dominique de Lavenère, président du Snal. Et les régions ne sont pas en reste. Les terrains à bâtir dans la périphérie de Toulouse, de Bordeaux, de Nantes, ou de Montpellier, ont rejoint les prix de la grande couronne parisienne. «La maison à 100 000 euros n'est possible que si l'on déconnecte le bâti de la question foncière, commentait hier Christian Louis-Victor, président de l'Union nationale des constructeurs de maisons individuelles (UNCMI). Ça peut être un outil d'intervention dans une démarche de renouvellement et de mixité urbaine.»Expériences. Pour preuve: les expérimentations conduites par quelques municipalités dans les territoires de la politique de la ville. Afin de mélanger l'habitat et favoriser la mixité sociale, des maires prêtent des terrains avec des baux emphytéotiques (c'est-à-dire une location de très longue durée) pour réaliser des opérations d'accession à la propriété dans les quartiers monolithiques de HLM. Une expérience de ce type est menée dans la cité du Val-Fourré par la ville de Mantes-la-Jolie et Capri, promoteur filiale de la Caisse des dépôts. Une autre opération de ce type est conduite à Montereau, site emblématique de la politique de la ville, où Jean-Pierre Raffarin a justement effectué hier sa visite de terrain en compagnie de Borloo. L'annonce de la maison à 100 000 euros intervient en fait dans le cadre d'une communication tous azimuts du ministre de la Cohésion sociale. Hier, en Conseil des ministres, Borloo a dressé le bilan de l'action de l'Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU), qui fête son premier anniversaire. L'ANRU, créée par la loi de programmation et d'orientation de la ville adoptée en 2003, est le bras armé de la politique de rénovation des quartiers HLM, qui se caractérise par de nombreuses démolitions de logements. C'est elle qui octroie les financements et retoque les projets présentés par les élus ou les organismes HLM. A ce jour, l'ANRU a validé 83 projets représentant des interventions sur 120 quartiers dans lesquels vivent 1 million d'habitants. Les financements englobent les opérations d'aménagement (réorganisation de l'espace public, tracé de voiries nouvelles, création d'équipements publics), la réhabilitation de logements existants et nombre de démolitions-reconstruction. Politique du bulldozer. Dans les 83 projets déjà approuvés, on compte 39 000 logements HLM démolis pour 36 000 reconstruits. A terme, il est question de raser pas moins de 250 000 logements, soit quelque 6 % du patrimoine social, et ce souvent sans concertation avec les habitants. Au-delà des démolitions d'immeubles mal conçus, mal construits, mal placés, cette politique du bulldozer est assez controversée (lire ci-contre). Dans son rapport annuel, la Fondation Abbé-Pierre dénonce ce gâchis, alors que le pays fait face à une crise du logement que plus personne ne conteste: 1,05 million de ménages sont inscrits au fichier des demandeurs HLM, dont 315 000 pour la seule Ile-de-France.
