Manifestation L'odyssée du "Borndiep" réveille le débat sur l'avortement au Portugal Depuis dimanche 5 septembre, au Portugal, les affiches publicitaires où figurent des mannequins femmes sont barrées par un slogan : "J'ai eu un avortement." Il s'agit d'une réponse à d'autres affiches, collées vendredi et montrant un fœtus de 5 mois photographié dans l'utérus de sa mère avec, en légende : "Quand on aime, on ne tue pas. " Les pro- et les anti-avortement réagissent ainsi à l'odyssée du Borndiep, un bateau-clinique néerlandais surnommé "le bateau de l'avortement" qui, le 29 août, a été empêché d'accoster à Figueira da Foz, dans le nord du pays, par deux bâtiments militaires. Il a a jeté l'ancre à la limite des eaux territoriales portugaises, sous la surveillance d'une corvette de la marine. L'état de la mer a d'abord empêché toute embarcation d'accéder au navire, mais plusieurs députés de gauche ont pu enfin monter à bord, mardi. Vendredi, le bateau a dû rallier un port de Galice, en Espagne, pour pouvoir se ravitailler en mazout, en nourriture et en eau potable, mais il est de nouveau ancré au large de Figueira da Foz. Le Borndiep a été affrété par l'organisation Women on Waves (Femmes sur les vagues), fondée aux Pays-Bas en 1999. Il s'est déjà rendu en Irlande, en 2001, puis en Pologne, en 2003, pour aider les femmes désireuses de pouvoir avorter dans des pays où les lois sont très restrictives, comme au Portugal. L'interruption volontaire de grossesse (IVG) n'y est autorisée que si la vie de la mère est en danger ou s'il y a un risque pour sa santé, au cas où le fœtus présenterait des malformations, lorsque la grossesse est la conséquence d'un viol ou encore lorsqu'il s'agit de mineures. Les femmes qui ne respectent pas la loi risquent une peine de trois ans de prison. Women on Waves a été appelée à la rescousse par quatre organisations portugaises qui font valoir que, chaque année, de 20 000 à 40 000 avortements clandestins sont pratiqués au Portugal et que quelque 5 000 femmes doivent ensuite être hospitalisées à la suite de complications. Des milliers de femmes se rendent également en Espagne, où la loi est beaucoup plus souple. DEMANDE REJETÉE En 1998, un référendum avait rejeté - à une très courte majorité (50,91 %) et dans un contexte de forte abstention (68,06 %) - toute modification de la législation en vigueur. Mais, en mars, les quatre partis de l'opposition de gauche, s'appuyant sur des sondages indiquant qu'une majorité serait favorable à un assouplissement de la loi, avaient demandé un nouveau référendum. Cette requête avait été rejetée par la majorité de centre droit. A bord du Borndiep, trois gynécologues et autant d'infirmières spécialisées sont arrivés avec un stock de pilules abortives RU-486, interdites au Portugal. L'équipe s'était engagée à ne distribuer ces pilules qu'au large des eaux territoriales portugaises, mais elle souhaitait également organiser une campagne d'information sur la contraception, l'éducation sexuelle, la planification familiale et la dépénalisation de l'avortement. Le ministre de la défense et leader du très conservateur Parti populaire, Paulo Portas, s'y est alors opposé en déclarant : "Nous ne pouvons permettre que ce qui est illégal à terre devienne licite dans nos eaux territoriales." De retour de vacances, le président de la République, le socialiste Jorge Sampaio, a demandé à recevoir "une information détaillée et complète". Le premier ministre, Pedro Santana Lopez, a assuré que le gouvernement était ouvert au débat tout en confirmant que la décision d'interdire au Borndiep d'accoster était "justifiée". Il a également annoncé un assouplissement de la loi au cours de la prochaine législature. De son côté, le ministre des affaires étrangères néerlandais, Ben Bot, a reconnu que le Portugal avait le droit d'interdire l'accès du bateau à l'un de ses ports, mais il a toutefois demandé à son homologue portugais, Antonio Monteiro, de le laisser accoster. Selon l'un des porte-parole de l'association, le Borndiep pourrait rester au large du Portugal jusqu'à la fin de la semaine. Martine Silber La justice portugaise confirme l'interdiction La justice portugaise a confirmé la décision du gouvernement d'interdire l'entrée du "bateau de l'avortement" dans les eaux territoriales portugaises, a rapporté, mardi, l'agence de presse Lusa. Le tribunal de Coimbra (centre) a débouté lundi les associations féministes, qui avaient introduit un recours afin de faire annuler la décision du gouvernement portugais. La justice a estimé que cette interdiction ne violait pas l'exercice fondamental des droits, des libertés et de la libre circulation des personnes et des biens au sein de l'Union européenne prévue dans les accords de Schengen. Par ailleurs, le tribunal a fait valoir que l'interdiction frappant le bateau clinique néerlandais n'empêchait pas l'équipe de bénévoles qui se trouve à bord de venir au Portugal promouvoir un débat sur l'avortement. Le ministre de la défense, Paulo Portas, s'est félicité mardi de cette décision. De son côté, l'association Women on Waves s'est engagée à mettre en ligne, sur son site Internet, une information pratique destinée aux femmes souhaitant avorter. - (AFP.)