Scandale LITUANIE Les liaisons de politiques avec le KGB révélées Le fantôme soviétique hante Vilnius La Lituanie est membre à part entière de l'Union européenne, mais son passé soviétique n'en finit pas de lui réserver de désagréables surprises. Dernière en date : les révélations fracassantes de la presse locale sur les liaisons dangereuses que l'actuel ministre des Affaires étrangères, Antanas Valionis, et le chef de la sécurité intérieure, Arvydas Pocius, auraient entretenues jadis avec le KGB soviétique. Le très sérieux hebdomadaire Atgiminas a rapporté il y a une semaine que ces deux responsables politiques avaient été inscrits sur une liste de «réservistes» du KGB, à l'époque où la centrale étendait sa toile sur l'ensemble du territoire de l'URSS, et notamment la région sensible des républiques baltes. Selon le journal, Valionis aurait rejoint cette liste secrète en 1981 avec le rang de capitaine. Le chef du contre-espionnage Arvydas Pocius, serait, lui, devenu réserviste en 1989, à un an seulement de l'indépendance lituanienne, circonstance qui rend son cas plus embarrassant encore que celui de son collègue des Affaires étrangères ! Sommé de s'expliquer, Valionis a confirmé l'information sans s'émouvoir, précisant toutefois n'avoir jamais collaboré «activement» à la centrale. A l'époque, tout étudiant devait suivre une préparation militaire à l'université, obligation qui le dispensait généralement du service militaire et le faisait verser automatiquement dans la réserve de l'armée. Il apparaît qu'il existait aussi une réserve du KGB... Tout «était connu depuis 1994 et les institutions respectives du renseignement et des Affaires étrangères ainsi que les dirigeants du pays savaient tout», s'est défendu Valionis. «J'ai prêté serment à la Lituanie et je le respecte», a précisé le ministre. Le chef du contre-espionnage Pocius a pour sa part nié tout lien avec le KGB, expliquant n'avoir «jamais su» qu'il était sur une quelconque liste... Tout en décidant la création d'une commission parlementaire chargée d'enquêter sur les faits, le président et le premier ministre ont appelé à l'apaisement. Mais ces révélations font grand bruit à Vilnius où la question des relations avec Moscou reste un sujet sensible. Le feuilleton surréaliste de la destitution de l'ancien président Rolandas Paksas, qui a tenu en haleine le pays tout au long de l'année dernière, a mis en évidence l'importance du facteur russe dans la politique lituanienne, relançant le débat sur les réseaux souterrains dont Moscou disposerait encore en terre balte. La question agite d'ailleurs l'ensemble des anciens satellites de la Russie, qui, de la RDA à la République tchèque en passant par la Pologne, sont tous confrontés à ces problèmes de loyauté politique. Au milieu des années 90, la Lituanie a partiellement repris la méthode de «lustration tchèque», créant notamment une Commission chargée d'identifier les personnalités «dangereuses». Les réservistes du KGB ne figurent pas dans ce groupe. Les Lituaniens ont aussi adopté en 1999 une loi qui oblige ses ressortissants, en échange d'une protection, à confesser leurs liens avec le KGB, faute de quoi ils pourraient subir des sanctions telles que l'interdiction de travailler dans tous les services publics du pays. Mais à la lumière du nouveau scandale, la droite réclame la publication intégrale des listes des anciens collaborateurs du KGB, dans l'espoir d'apurer définitivement la situation. «Nous pensons que ce scandale est exagéré, mais il faut en finir avec ces relents du passé qui prennent en otage la politique», approuvait hier un diplomate lituanien. Car, ajoutait-il, ce débat ne resurgit peut-être pas par hasard. La Russie pourrait avoir intérêt à semer la discorde, alors que ses relations avec la Lituanie sont toujours tendues. Les Lituaniens se sont beaucoup investis à Kiev, pendant la révolution orange, pour le plus grand déplaisir des Russes. Ils sont très présents diplomatiquement au Caucase Sud. Et le président Adamkus n'a toujours pas fait savoir à son homologue russe s'il compte se rendre à Moscou pour le 60e anniversaire de la victoire de l'armée soviétique sur le nazisme.