Annonce Liquidation judiciaire pour Kélian, dépôt de bilan pour Jourdan Le tribunal de commerce de Romans, dans la Drôme, a prononcé lundi 22 août la liquidation judiciaire de Stéphane Kélian-Production, la filiale de fabrication du chausseur de luxe Stéphane Kélian. De son côté, la direction de Charles Jourdan, qui fabrique également des chaussures de luxe dans la même ville, a annoncé qu'elle déposerait le bilan de trois de ses sociétés dans la soirée : Charles Jourdan Industrie - chargée de la production (262 employés) -, Charles Jourdan France - en charge du marketing et de l'administration (80 employés) - et Sodepar, responsable des boutiques et magasins d'usine (90 salariés). "Le président-directeur général Christophe Béranger nous a dit lors d'un comité d'entreprise extraordinaire ce matin qu'il déposerait le bilan ce soir", a déclaré Martine Truchet, déléguée CGT et secrétaire du comité d'entreprise. L'entreprise a accumulé 9 millions d'euros de dettes. "PATRON VOYOU, PATRON VOLEUR" Lundi matin, des salariés de Stéphane Kélian qui s'étaient massés devant le bâtiment ont poursuivi, à l'issue de l'audience du tribunal, leur directeur général, Daniel Bagault, jusqu'à sa voiture aux cris de "Patron voyou, patron voleur". La marque Stéphane Kélian, grand nom de la chaussure de luxe fondé dans les années 1960 et célèbre pour la qualité de ses modèles en cuir tressé, a été vendue en avril à un groupe d'investisseurs belges. Selon des sources syndicales, la fabrication pourrait être délocalisée au Portugal, en Espagne ou en Inde. Stéphane Kélian-Production employait 146 personnes sur son usine de Bourg-de-Péage. Le dépôt de bilan avait été prononcé le 11 août à la suite d'un comité d'entreprise extraordinaire. "On est surpris. On espérait au moins une poursuite de l'activité avec 80 salariés qui auraient continué à travailler", a déclaré Laurent Norbert, délégué CFDT, après la prononciation de la liquidation judiciaire. "Nos patrons préfèrent délocaliser alors que nous avons tous plus de vingt ans de maison et que, pour la plupart, nous sommes toujours payés au smic", a-t-il commenté avec amertume. "On ne peut pas dire que nous sommes une main-d'œuvre qui coûte cher." "Quand on vend des pompes à 1 000 euros la paire, il ne faut pas me faire croire qu'on a des problèmes avec le coût de la main-d'œuvre", souligne de son côté Didier Guillaume, le président PS du conseil général de la Drôme, cité dans Libération. ESPOIR DE SOLUTION A Romans, les salariés de Charles Jourdan veulent croire qu'une solution est encore possible. "Les commandes sont en baisse et nos actionnaires n'ont plus les moyens de poursuivre l'activité", avait déclaré Gilles Apoix, délégué CFE-CGC. "On a l'espoir de trouver une solution si les actionnaires arrivent à élargir le tour de table ou si quelqu'un veut racheter l'entreprise", a t-il souligné. Il a précisé que les salariés avaient eu l'assurance d'être payés pendant la première quinzaine de septembre. L'entreprise vend 65 000 paires de chaussures par an alors qu'il lui faudrait "en sortir 140 000 à 150 000", a-t-il ajouté. "On a un produit de qualité, mais sur le style et les prix, on est en décalage vis-à-vis du marché." Près de 90 % de la production est réalisée à Romans. La société possède 80 boutiques et dispose de 400 points de vente dans le monde. Chez les professionnels de la chaussure, ces deux annonces tombées lundi soulèvent les plus vives inquiétudes. "Je redoute la fin de la chaussure française, n'hésite pas à dire Patrick Moniotte, président de la Fédération française de la chaussure. Si nous continuons ainsi, nous allons finir par perdre notre savoir-faire, notre capacité à développer des marques, des brevets et des produits de qualité".