Scandale L'historienne israélienne Idith Zertal dément avoir parlé de "pornographie mémorielle" pour la Shoah Idith Zertal, historienne israélienne, est furieuse. Et son éditeur français François Gèze (La Découverte) bien ennuyé. L'humoriste Dieudonné, qui avait qualifié la commémoration de la Shoah de "pornographie mémorielle", lors d'une conférence de presse, mercredi 16 février, à Alger, avait tenté, de retour à Paris, de se justifier. Sur LCI, le 18 février, il s'abritait derrière l'ouvrage d'Idith Zertal, La Nation et la mort, la Shoah dans le discours et la politique d'Israël : "Je n'ai fait que la citer." Lors de sa conférence de presse, il tenait contre lui deux exemplaires du livre à la couverture bleue. Idith Zertal n'apprécie pas que l'on puisse détourner son livre. Elle y expliquait comment le pouvoir politique, de Ben Gourion, puis de Begin et de ses successeurs, avait forgé l'idéologie nationale des Israéliens autour de la Shoah, devenue le ciment d'un nouveau nationalisme (Le Monde du 24 décembre 2004). "Je trouve honteux qu'on ait utilisé un livre sérieux, à lire sérieusement, à des fins douteuses", s'agace l'historienne, contactée par Le Monde. D'autant, explique-t-elle, qu'elle n'a jamais utilisé l'expression "pornographie mémorielle" que lui attribue Dieudonné. "Elle n'existe nulle part, ni dans la version française, ni dans la version anglaise, ni dans la version originale", assure au Monde Idith Zertal. Dans un communiqué du 23 février, François Gèze, directeur de La Découverte, confirme que, "contrairement à ce qu'indiquait Libération dans son édition du 23 février, l'expression "pornographie mémorielle" ne figure pas dans le texte anglais du livre d'Idith Zertal, La Nation et la mort, qui a servi de base à la traduction française publiée par La Découverte" (Le Monde du 24 février). "Ce n'est que par un raccourci hâtif et erroné des analyses d'Idith Zertal que le traducteur du livre, Marc Saint-Upéry, lui a attribué incidemment cette expression, dans une note de bas de page d'un texte personnel datant de près d'un an",ajoute le directeur de La Découverte. HUMORISTE "INCULTE" De fait, dans une lettre ouverte à Jean-Christophe Rufin du 26 novembre 2004, diffusée sur le site marseillais d'Indymedia, Marc de Saint-Upéry, longtemps membre du conseil d'orientation de la revue Mouvements, par ailleurs éditeur et traducteur de nombreux livres, utilisait l'expression. Dans ce texte, il réagissait vivement au rapport Rufin d'octobre 2004 sur la lutte contre le racisme et l'antisémitisme, qui estimait que l'"antisionisme radical" s'apparentait à de l'antisémitisme. Marc de Saint-Upéry écrivait : "Quand cette mise en demeure se fait au nom d'un phantasme idéologique concocté par une petite mafia de pervers qui vivent de la promotion d'un narcissisme communautaire paranoïaque (...) et de la pornographie mémorielle au service d'une raison d'Etat coloniale sans vergogne, il est de notre devoir de réagir." Il renvoyait à un appel de notes : "La notion de "pornographie mémorielle" n'est pas de moi, mais de l'historienne israélienne Idith Zertal, auteur de Death and the Nation (...) à paraître aux Editions La Découverte." Aujourd'hui, le traducteur fait son mea culpa et "s'excuse". Selon lui, l'expression incriminée n'était présente que dans "une version préliminaire du manuscrit en anglais", sans être "certain à 100 %" que l'adjectif "mémoriel" était bien accolé au nom. "Bien entendu, si j'ai à m'excuser de cette indéniable imprudence, ce n'est pas auprès des procureurs improvisés, mais auprès d'Idith Zertal elle-même et des Editions La Découverte." Il regrette aussi que l'expression ait été récupérée par un humoriste "inculte", qui "vit de la provocation à bon marché et de l'exploitation démagogique de l'impensé colonial de la République".