Condamnation L'ex-patron de la Banque de Thaïlande a été condamné pour la crise de 1997 La somme occupait à elle seule, avec les zéros et un point d'exclamation, la manchette du Nation, l'un des quotidiens anglophones de Bangkok : 186 milliards de bahts (3,7 milliards d'euros). C'est le montant de l'amende à laquelle a été condamné, mardi 31 mai, l'ancien gouverneur de la Banque centrale de Thaïlande (BOT), Rerngchai Marakanond. L'homme a été jugé coupable, en première instance, d'une mauvaise gestion ayant engendré la crise financière qui a frappé le royaume en 1997, avant de se propager en Asie. En intégrant un taux d'intérêt de 7,5 %, rétroactif à dater du 2 juillet 1997, l'ancien gouverneur devra, en fait, 6,6 milliards d'euros à l'Etat. Soit, aux prix de Bangkok, environ 100 000 grosses berlines 4 x 4 rutilantes comme les affectionne toujours la classe huppée thaïlandaise. La somme réclamée à Rerngchai Marakanond représenterait le total des pertes encourues par la BOT dans l'aventure. Durant les premiers mois de 1997, l'institution se défit d'une valeur de 36 milliards à 38 milliards de dollars de réserves en devises pour défendre sa monnaie attaquée. L'affaire était à l'instruction depuis une plainte déposée en 2001 par l'actuel gouverneur de la BOT, Pridiyathorn Devakula, pour "négligence grossière dans la politique de change". Avant la crise, la monnaie thaïlandaise était maintenue, par un dogme symbolisant la confiance, à un niveau fixe de 25 bahts pour un dollar américain. Mais les nuages s'amoncelèrent : chute des exportations, effondrement du marché immobilier et faillites bancaires en séries. Le déficit budgétaire grimpa à 8 % du PIB et la dette extérieure dépassa les 100 milliards de dollars. Il fallut alors six mois aux autorités pour réagir, et laisser flotter la monnaie, le 2 juillet 1997, dans une décision qui conduira le Fonds monétaire international (FMI) à consentir au pays une aide de 17,2 milliards de dollars en échange d'une restructuration de son économie (le taux est aujourd'hui de 40 bahts pour un dollar). RENDRE DES COMPTES La crise thaïlandaise provoqua des scènes spectaculaires, avec des "vide-garages" improvisés sur les parkings de la capitale, où les gens aisés venaient vendre des appareils électroménagers de luxe, la deuxième ou troisième limousine familiale, dans l'espoir d'alléger leur surendettement. Elle sera bientôt suivie par la crise de la Corée du Sud, avec des effets similaires et, là-bas, des manifestations d'hostilité au FMI. Rerngchai Marakanond, absent du tribunal, a l'intention de faire appel. Le premier ministre, Thaksin Shinawatra, a reconnu que l'ancien gouverneur n'était peut-être pas le seul responsable à devoir rendre des comptes. Dans un courrier publié jeudi 2 juin, un lecteur du Nation a suggéré que le rôle du chef du gouvernement de l'époque, le général Chavalit Yongchaiyudh, soit examiné. Tout en admettant que c'était peut-être "impoli".