Annonce L'ex-dictateur Augusto Pinochet privé de son immunité par la justice La décision de la Cour suprême du Chili ouvre la voie à un procès sur L'implication de l'ancien dictateur dans le plan "Condor", qui visait l'élimination des opposants politiques à l'échelle du continent sud-américain. Augusto Pinochet a été jugé parfaitement apte psychologiquement pour le lancement d'une procédure judiciaire, malgré les arguments des avocats de la défense qui ont plaidé une "légère démence".La Cour suprême du Chili a décidé, jeudi 26 août, de lever l'immunité de l'ancien dictateur Augusto Pinochet dans le cadre de l'enquête sur le plan "Condor", ouvrant la voie à un procès pour son implication dans ce plan des dictatures militaires d'Amérique du Sud d'élimination des opposants politiques. La décision de la plus haute instance judiciaire du pays a été prise à une courte majorité, seuls neuf magistrats ayant voté pour, huit contre. La Cour était appelée à se prononcer sur un jugement antérieur de la cour d'appel de Santiago qui avait décidé, à la surprise générale, le 28 mai, de lever l'immunité spéciale dont jouit Augusto Pinochet, 88 ans, en tant qu'ex-président autoproclamé.Le gouvernement chilien a été le premier à réagir, par l'intermédiaire de son secrétaire général du gouvernement, Francisco Vidal : "Au Chili, il y a un Etat de droit, les pouvoirs se respectent et personne n'est au-dessus de la loi."Les familles des victimes de la dictature militaire, qui a fait au moins 3 000 morts et disparus, ont célébré un "jour historique".Lorena Pizarro, présidente du Collectif des proches de détenus disparus, a affirmé que "c'est très important que la levée de l'immunité ait été ratifiée (...). Il ne pouvait y avoir une autre résolution". Elle a ajouté que "c'est un jour historique, car cet arrêt ouvre une fenêtre pour juger tous ceux qui ont violé les droits de l'homme". De son côté, l'un des avocats des parties civiles, Eduardo Contreras, s'est réjoui de la décision, estimant que "le pays maintenant semble plus démocratique". Le porte-parole de M. Pinochet, l'ancien général Guillermo Garin, a manifesté pour sa part un "profond mécontentement et (sa) surprise".Les membres de la Cour suprême avaient entendu mercredi les arguments des deux parties.La défense de l'ex-dictateur a insisté sur les problèmes mentaux de "démence légère" qui servirent de base à la décision de la même Cour suprême d'archiver un premier procès contre l'ex-président en juillet 2002 dans l'affaire dite de "la Caravane de la mort". Augusto Pinochet avait commencé à être jugé en tant qu'auteur intellectuel des crimes d'un escadron militaire accusé d'avoir assassiné 75 opposants dans plusieurs villes chiliennes entre septembre et octobre 1973."PARFAITES CONDITIONS" PSYCHOLOGIQUESLes avocats de la partie civile ont basé leur exposé sur la connaissance parfaite qu'avait M. Pinochet des opérations réalisées au Chili et à l'étranger par l'agence des services secrets DINA et son rôle dans la mise en œuvre du plan "Condor".Ils ont aussi rejeté l'argument d'une "démence" du général, en déposant devant la Cour suprême un rapport de trois psychiatres décortiquant une interview accordée en novembre 2003 par l'ex-dictateur à une télévision de Miami, dans lequel les médecins concluent qu'il est en "parfaites conditions".L'interview, que Pinochet accorda dans le cadre de la commémoration des trente ans du putsch du 11 septembre 1973 contre le président Salvador Allende, avait été considérée comme décisive par la cour d'appel de Santiago pour justifier la levée de l'immunité de Pinochet.Les six avocats de la partie civile, qui représentent les intérêts de centaines de Chiliens disparus dans l'opération "Condor", ont également demandé à la Cour suprême d'examiner une déclaration faite par Pinochet le 6 août devant le juge Sergio Munoz.Ce juge enquête sur des comptes secrets détenus par l'ex-dictateur entre 1994 et 2002 auprès de la banque américaine Riggs, dont l'existence a été révélée par une commission sénatoriale américaine.Les avocats de plusieurs Français disparus au Chili sous la dictature du général Pinochet, Me William Bourdon et Me Sophie Thonon, se sont félicités de la décision de la Cour, estimant qu'elle "conforte" les procédures ouvertes en France.Pour Me Bourdon, "c'est une satisfaction pour les familles" puisque la décision chilienne avait "fait disparaître une légère hypothèque" sur un procès en France. Elle empêche un peu plus d'éventuels avocats d'Augusto Pinochet de plaider que leur client bénéficie d'une immunité. Pour Me Thonon, également avocate de famille de disparus, c'est "une excellente décision car elle permet de constater la détermination de la justice chilienne à dire que le général Pinochet est un criminel qu'il faut juger".
