Annonce L'Europe tente de protéger son marché contre le textile chinoisFace au déferlement du textile chinois depuis le 1er janvier, la Commission européenne a annoncé, mercredi 6 avril, avoir défini des "niveaux d'alerte" par produits à partir desquels des "enquêtes" seront ouvertes pour faire jouer d'éventuelles clauses de sauvegarde du marché communautaire. De telles clauses ne seront toutefois enclenchées qu'en "dernier recours", après des "consultations informelles" avec la Chine.Bruxelles a en effet pris soin de ne pas froisser Pékin. Les "niveaux d'alerte" fixés par Bruxelles prévoient l'ouverture d'une enquête lorsque des "données fiables" attesteront d'une augmentation des entrées de textiles chinois "de 10 à 100 % par rapport aux niveaux de 2004", a souligné, mercredi, le commissaire au commerce, Peter Mandelson.DOMMAGES ET IMPACTS Les chiffres publiés à Pékin font état d'une progression globale de 28,77 % des exportations chinoises de textile en janvier, tandis qu'Euratex évalue à 46,5 % l'augmentation vers l'Union européenne. Mais plusieurs catégories de produits déjà ont allègrement crevé ces plafonds. Les statistiques dont dispose Bruxelles pour janvier-février montrent notamment un doublement des importations de tailleurs féminins et une multiplication par trois pour les pull-overs. Et l'explosion la plus spectaculaire concerne les bas, collants et chaussettes, dont Pékin a écoulé plus de 913 millions d'unités, contre moins de 16 millions au cours de la même période en 2004 - soit une multiplication par 57. Pour autant, le commissaire Mandelson veut d'autres "preuves" pour aller plus loin. Ses services espèrent pour la troisième semaine d'avril des statistiques sur le premier trimestre 2005. Il entend focaliser les enquêtes futures sur "les dommages possibles pour l'industrie européenne et l'impact probable sur les producteurs de pays en développement vulnérables" et les voisins méditerranéens de l'UE, mais aussi sur "l'impact positif" que la nouvelle donne "va avoir pour les consommateurs". Bruxelles ne décidera qu'ensuite, "sur la base des consultations" avec Pékin, de la nécessité ou non d'"imposer des mesures de sauvegarde formelles"."C'est une étape sérieuse et certainement pas quelque chose auquel nous devrions avoir recours avec légèreté ou automatiquement", a déclaré M. Mandelson, soucieux de rassurer aussi la Chine, dont il doit rencontrer vendredi le vice-ministre du commerce, Zhang Zhigang. "Il n'est pas question de revenir en arrière à l'ancien système des quotas. Nous ne pourrions justifier des mesures de sauvegarde temporaires qu'en dernier recours, si des distorsions commerciales durables et sur une large échelle étaient clairement démontrées", a-t-il répété.VIVE RÉACTION CHINOISELe dispositif européen est en retrait par rapport au processus de sauvegarde enclenché lundi par les Etats-Unis sur la base des modalités fixées en 2001 lors de l'accession de la Chine à l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Il laisse trois mois de répit entre l'ouverture d'une enquête et les premières restrictions effectives aux importations chinoises. La prudence de M. Mandelson s'explique par les divisions des Européens entre adversaires et partisans d'un libre-échange maximal. Parmi ces derniers, le ministre suédois du commerce, Thomas Odros, s'est dit mardi "troublé" par une "tendance protectionniste croissante et inquiétante" au sein de l'UE.L'annonce faite par Bruxelles n'a toutefois pas manqué d'heurter la Chine. Pékin s'est déclaré, jeudi matin, "vigoureusement opposé" aux mesures annoncées. Les "niveaux d'alerte" fixés mercredi par la Commission européenne "contreviennent aux réglementations légales sur l'entrée de la Chine à l'OMC", a déclaré dans un communiqué le porte-parole du ministère du commerce chinois, Chong Quan. "La Chine y est vigoureusement opposée", a-t-il ajouté. La décision européenne "aura d'énormes conséquences négatives non seulement sur le commerce bilatéral de produits textiles, mais également sur le commerce mondial de ces produits", selon le texte publié sur le site Internet du ministère. La mesure de l'UE, qui crée selon Pékin "des conditions subjectives pour activer une clause de sauvegarde", "engendre des nouveaux facteurs d'instabilité dans le commerce bilatéral de produits textiles".
