Annonce L'Est se donne dix ans pour intégrer ses Roms Huit pays d'Europe sont réunis à Sofia, avec la Banque mondiale et la fondation Soros, pour s'engager à éliminer la discrimination dont les Roms sont victimes. ofia est, jusqu'à ce soir, la capitale des Roms. Huit pays se réunissent depuis hier dans la capitale bulgare, à l'initiative de la Banque mondiale et de la fondation Soros, pour lancer la Décennie 2005-2015 de l'intégration des Roms. La République tchèque, la Hongrie, la Slovaquie (membres de l'Union européenne), plus deux candidats, la Bulgarie et la Roumanie, ainsi que la Croatie, la Macédoine et la Serbie-Monténégro, qui souhaitent rejoindre l'UE, doivent signer aujourd'hui une déclaration commune dans laquelle ils «s'engagent à travailler pour une élimination de la discrimination et du fossé inacceptable qui sépare les Roms du reste de la société». Un court texte qui concrétise dix-huit mois d'efforts depuis l'émergence de ce projet lors de la première conférence organisée en 2003 par la Banque mondiale et la fondation Soros à Budapest. Les signataires ont invité «les autres Etats à se joindre à [leur] effort». Depuis l'élargissement, les Roms constituent la première minorité au sein de l'Union, dont l'importance s'accroît rapidement en raison d'une forte natalité. Dégradation. «Les Roms sont victimes de discrimination depuis des siècles, note Dena Ringold, économiste à la Banque mondiale. Mais, alors que la vie s'est beaucoup améliorée pour la plupart des habitants des pays de l'Est depuis la fin de l'Union soviétique, la situation des Roms s'est au contraire dégradée. La fin du communisme s'est traduite pour eux par la fin des emplois publics et des logements que l'Etat leur allouait, ce qui a encore renforcé leur exclusion. Ils accèdent toujours aussi rarement à l'éducation et ne bénéficient pas des services de santé...» La Banque, qui aide les pays de l'ex-URSS dans leur transition du communisme à l'économie de marché, est aux premières loges pour constater cette dégradation. «Mais l'un de nos principaux problèmes était de manquer de données, reconnaît Dena Ringold. Le fait que nous parlions de 7 à 9 millions de Roms sans pouvoir être plus précis est en soi révélateur.» Souvent, les Roms préfèrent ne pas se déclarer comme tels pour échapper à la discrimination. Ainsi, en Roumanie, on n'en comptabilise officiellement que 700 000, mais leur nombre avoisinerait les 2 millions. «Beaucoup de travail a été entrepris depuis deux ans pour combler ce manque de données», ajoute Dena Ringold. Elle-même a participé à la réalisation d'un volumineux rapport de la Banque mondiale sur les Roms en Europe (1). Un ouvrage qui dessine le portrait de cette minorité et explore les racines d'une pauvreté à multiples facettes. Le taux de pauvreté des Roms est 4 à 10 fois plus élevé que celui des non-Roms en Bulgarie, Hongrie et Roumanie. Environ 40 % des Roms en Roumanie et en Bulgarie vivent avec moins de 2,15 dollars par jour. En Roumanie, il n'est pas rare de trouver des taux de chômage de 100 % dans certaines communautés à cause du faible niveau d'aptitudes professionnelles mais aussi de la discrimination à l'emploi. Handicapés. Si le niveau d'éducation varie beaucoup entre zones rurales et zones urbaines, il reste très faible. Soit parce que les parents n'ont même pas de quoi vêtir leurs enfants pour l'école, soit parce que les enfants ne sont pas acceptés dans les écoles «normales» et rejetés dans des classes spéciales ou dans des établissements pour handicapés mentaux ou moteurs. En Bulgarie, 89 % des Roms ne dépassent pas le niveau de l'école primaire. La situation sanitaire n'est pas meilleure : exclus des systèmes de santé faute d'argent ou de papiers, les Roms ont une espérance de vie moyenne de dix ans inférieure à celle du reste de la population. Les initiateurs de la Décennie Rom se sont fixé quatre priorités : éducation, emploi, santé et logement. Depuis 2003, les huit pays participants à la conférence ont chacun élaboré des plans d'action détaillés. Avec le soutien de la Commission européenne, du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) et de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), ils doivent adopter, aujourd'hui à Sofia, ces plans et signer une déclaration d'engagement à concrétiser les objectifs fixés. Un fonds pour l'éducation a été créé en décembre, sous l'égide de la Banque mondiale. Doté de 43 millions de dollars, dont 30 apportés par la fondation Soros, pour la première année, il devra trouver «des centaines de millions pour atteindre ses objectifs sur la décennie», explique un expert de la Banque. Mais le plus gros du budget sera de la responsabilité de chaque pays, et associera fonds nationaux et aides extérieures, notamment via des programmes transfrontières de l'UE, de la fondation Soros, et de la Banque mondiale. (1) Roma in an Expanding Europe, Breaking the Poverty Circle, 2005. (publicité)