Annonce L'Espagne lance un vaste plan de régularisation des sans-papiers Le gouvernement espagnol a engagé, lundi 7 février, une procédure exceptionnelle de régularisation des immigrés clandestins. Cette opération pourrait concerner près d'un million de sans-papiers et a été longuement négociée avec les associations, les syndicats et le patronat. La possession d'un contrat de travail, d'une durée minimale de six mois, suffira à l'immigrant sans papier pour demander un titre de séjour. Les employeurs qui déclareront leurs travailleurs clandestins ne seront pas poursuivis. Cette opération intervient alors que l'Espagne renforce la surveillance de ses frontières sur les côtes de l'Andalousie et négocie des opérations conjointes avec le Maroc. De nouvelles "routes" d'émigration se sont formées, comme en témoigne le sauvetage de 230 Africains, samedi, au large des Canaries.Madrid de notre correspondanteA partir du lundi 7 février, et jusqu'au 7 mai, les immigrés sans papiers et leurs employeurs pourront se rendre dans 160 bureaux ouverts dans toute l'Espagne, pour procéder à une opération de régularisation sans précédent. La secrétaire d'Etat à l'immigration, Consuelo Rumi, estime en effet que cette "normalisation" exceptionnelle pourrait bénéficier à près d'un million de personnes. La presse, elle, parle de 800 000 personnes.A Madrid, 765 000 immigrés sont inscrits sur les listes du recensement municipal, mais seulement 230 000 cotisent à la Sécurité sociale. Il y aurait 30 000 éventuels candidats à la régularisation au Pays basque, 150 000 en Andalousie et 230 000 dans la région de Valence.Ne seront concernés que les sans-papiers qui se sont inscrits depuis le 7 août 2004, au padron, c'est-à-dire au recensement municipal. Cette inscription permet aux résidents - y compris les immigrants illégaux - d'avoir accès, entre autres, aux services de santé publique.Les employeurs devront certifier qu'ils garantissent un contrat de travail d'une durée minimum de six mois à leurs employés en situation irrégulière. Des exceptions sont prévues, dans le secteur de l'agriculture où la durée du contrat exigée est ramenée à trois mois, de même que dans la construction et l'hôtellerie où les six mois pourront être fractionnés et étalés sur l'année.Les employées de maison devront prouver qu'elles effectuent au moins 30 heures par semaine. L'immigré aujourd'hui clandestin verra, dans un premier temps, sa situation régularisée pour la durée du contrat de travail dont il dispose.Cette opération de régularisation est prévue par le nouveau Règlement sur les étrangers, publié début janvier au Journal officiel et né de la collaboration de plusieurs ministères. Le gouvernement craignant que les mafias spécialisées dans l'immigration ne commercialisent de faux contrats de travail a mis sur pied un impressionnant dispositif antifraude.Le document officiel qui sera remis par les services de recensement pourra être vérifié auprès de l'Institut national de la statistique. Il serait quasiment impossible à falsifier. Un système informatique commun a été mis en place entre les quatre ministères concernés. Il permettra en moins de vingt-quatre heures aux 1 200 fonctionnaires qui ont reçu une formation spécifique de contrôler les déclarations, en croisant les informations reçues.Les services de police seront mis à contribution et pourront se référer à des bases de données nationales ou internationales comme le système informatique de Schengen ou d'Interpol. De même, les services de Sécurité sociale et ceux de l'administration fiscale pourront vérifier que les employeurs sont à jour de leurs cotisations ou de leur imposition. Si une fraude est suspectée, la police et l'inspection du travail en seront immédiatement informées.LA SIXIÈME VAGUEC'est la sixième fois que l'Espagne procède ainsi à une régularisation de masse. La première a eu lieu entre 1991 et 1992, durant le gouvernement socialiste de Felipe Gonzalez, 108 321 personnes en avaient bénéficié. Les suivantes effectuées en 1996, 2000 et 2001 lors des gouvernements conservateurs de José Maria Aznar ont profité à 480 185 personnes.Ce nouveau processus est exceptionnel à plus d'un titre, non seulement en raison du nombre de personnes concernées, mais aussi parce que c'est la première fois qu'une régularisation est liée au travail et qu'il revient donc aux employeurs d'en faire la demande. Autrement dit, tout employeur qui fait travailler des immigrés sans papiers a trois mois pour régulariser leur situation et mettre ainsi son entreprise en règle, sans encourir de sanction. Le gouvernement espère que cette "amnistie" permettra de "mettre un terme à l'économie souterraine et aux coûts sociaux que provoque le travail clandestin".Les immigrants doivent également remettre une attestation certifiant qu'ils n'ont pas d'antécédents pénaux dans leur pays d'origine et qu'ils n'ont commis aucun délit en Espagne. Cette mesure est également nouvelle puisque, auparavant, on leur demandait simplement de ne pas faire l'objet de poursuites pénales en Espagne.D'immenses files d'attente se sont immédiatement formées devant les consulats, en particulier, celui d'Equateur d'où proviennent 30 % des sans-papiers. Il a fallu, à Madrid, ouvrir un nouveau local, faire venir un consul général et trois vice-consuls et embaucher une douzaine d'employés supplémentaires.Cette opération de régularisation a longuement été négociée avec les associations. Le texte définitif a même fait l'objet d'un accord entre les employeurs et les syndicats. Les critiques sont venues du principal parti d'opposition, le Parti populaire (PP), qui craint une nouvelle vague d'immigration et estime que la réalité économique espagnole n'a pas été prise en compte. Des critiques ont également été exprimées par quelques pays européens, en particulier l'Allemagne, qui redoutent que cette régularisation massive encourage l'immigration clandestine en Europe.
