Annonce Les vérités de Jill Carroll, ex-otage en IrakLa propagande ou la mort. Tel fut le dilemme auquel une jeune journaliste américaine de 28 ans nommée Jill Carroll se retrouva confrontée durant quatre-vingt-deux jours de séquestration dans une petite chambre sans fenêtre en Irak.Enlevée le 7 janvier en plein midi à Bagdad par des hommes cagoulés et armés qui tueront sur-le-champ son collègue arabe Allan Enwiya, Jill Carroll enregistrera, à la veille de sa libération, le 30 mars, une longue déclaration à la gloire de ces "moudjahidins qui ne sont pas des terroristes mais des combattants cherchant à libérer leur pays de l'occupant".Couverte de l'abaya traditionnelle, cette grande toge sombre qui couvre la plupart des femmes arabes du Golfe de la tête aux pieds, la journaliste s'exprime en prisonnière d'un groupe inconnu, dénommé les Brigades de la vengeance.Relâchée - "sans tractations ni versement de rançon", affirmera l'ambassadeur américain à Bagdad -, la jeune femme, qui travaillait en indépendante pour le grand quotidien de Boston, The Christian Science Monitor, expliquera encore, le jour de sa libération inopinée devant le siège du Parti islamique irakien, l'un des deux grands partis sunnites à Bagdad, combien lesdits "moudjahidins sont intelligents", comment "ils finiront par remporter la victoire sur les troupes américaines" et combien ils l'ont "très bien traitée" sans "jamais" la menacer. Balivernes évidemment que tout cela.SYNDROME DE STOCKHOLM ?Aussitôt transférée, par avion militaire spécial, sur une base américaine en Allemagne, Jill Carroll rétablit immédiatement la vérité dans un communiqué. "J'avais peur, je voulais rentrer chez moi, je ne voulais pas mourir. (...) En réalité, j'ai été menacée à de nombreuses reprises (...). Durant la dernière nuit de ma captivité, mes ravisseurs m'ont forcée à enregistrer une vidéo de propagande, me disant que si je coopérais, je serais libérée. (...) Ce que j'ai dit sous la contrainte a été pris par certains comme le reflet de mes vues personnelles."De fait, aux Etats-Unis, nombre de blogs tenus par des néoconservateurs ou des supporteurs de leurs doctrines se sont déchaînés contre la jeune femme, suscitant mises au point et démentis de son principal employeur de Boston. Le prestigieux New York Times lui-même évoquera, à son propos, le fameux syndrome de Stockholm qui voudrait qu'un otage finisse, après quelque temps de séquestration, par "comprendre", voire "approuver", les objectifs de ses ravisseurs. Ceux qui, à Bagdad, ont connu Jill Caroll, savent que la journaliste arabisante n'était pas favorable à l'invasion américaine de l'Irak en mars 2003, encore moins à l'occupation du pays.Cela suffira aux blogueurs susmentionnés pour la vouer aux gémonies, évoquer son "refus de coopérer ou de voyager avec les militaires américains", ou de se laisser "débriefer" par les services spécialisés de son pays."Tout cela est faux", a expliqué l'intéressée dès son arrivée en Allemagne. "Ceux qui m'ont kidnappée et qui ont tué mon collègue Allan sont, au mieux, des criminels", a-t-elle ajouté. "J'étais profondément en colère contre eux et je le suis toujours." Pour le reste, Jill Carroll n'entend pas "être jugée comme otage, mais comme journaliste. Restant décidée à pratiquer l'équilibre et la précision dans mon métier, je ne m'engagerai pas dans une polémique. Je veux simplement être claire : j'abhorre tous ceux qui kidnappent et assassinent des civils : mes ravisseurs sont clairement coupables de ces deux crimes".
