Annonce Les obsèques tardives du général Gueï, ancien chef de l'Etat ivoirien Depuis près de quatre ans, la dépouille d'un ancien chef de l'Etat ivoirien repose à la morgue d'Abidjan. Elle attend que les vivants s'accordent sur le lieu de son inhumation, que l'Etat accepte de rendre un hommage posthume à l'ex-président et que le temps estompe les mensonges... Des conditions bientôt réunies : la dépouille du général Robert Gueï devrait être inhumée (sauf surprise de dernière minute) le 18 août, dans son village natal de Kabakouma, dans l'ouest du pays. Ancien patron de l'armée, Robert Gueï était un piètre politique. Propulsé - sans l'avoir recherché - à la tête de la Côte d'Ivoire en 1999, chassé du pouvoir dix mois plus tard par les partisans de Laurent Gbagbo, il a été présenté comme l'instigateur du coup d'Etat de septembre 2002 qui a coupé le pays en deux. L'accusation venait des proches du président Gbagbo. Elle était fausse, mais le général était bien incapable de défendre son honneur : aux premières heures du putsch du 19 septembre, il avait été assassiné par des militaires non loin de sa résidence. La presse avait alors montré jusqu'à la nausée son cadavre gisant dans un fourré, étendu sur le dos, bras écartés, yeux ouverts. Officiellement, Robert Gueï était mort en route vers la télévision, où il avait l'intention de se proclamer chef de l'Etat. En réalité, l'ancien président avait été assassiné sur ordre, alors qu'il partait chercher refuge à la cathédrale d'Abidjan. Son épouse et ses gardes du corps ont aussi été tués au cours de la même journée. Aujourd'hui, plus personne n'ose soutenir la thèse d'un Robert Gueï chef des rebelles. Il était en dehors du coup et a probablement été liquidé par ceux-là mêmes qui sont au pouvoir aujourd'hui. De là le peu d'empressement des autorités à tirer de l'oubli l'infortuné général. Le purgatoire à la morgue d'Abidjan a nourri les rumeurs les plus folles. L'une assurait que le cadavre de l'ancien chef de l'Etat avait été profané, son coeur retiré pour des cérémonies secrètes, et que ses organes sexuels, aussi, avaient disparu... "J'ai vu la dépouille à la morgue plusieurs fois, je n'ai rien vérifié", a expliqué le ministre de la coopération, Mabri Toi Keuse, considéré comme le fils spirituel du disparu. La rumeur s'est éteinte lorsque la famille du général, après un déplacement à la morgue, a pu constater de visu qu'il ne s'agissait que de "ragots". La politique et l'argent ont aussi leur part dans la saga du cadavre. L'argent, c'est celui offert par Laurent Gbagbo pour enterrer dignement son prédécesseur et séduire les électeurs nostalgiques du général Gueï. Mais il l'a proposé à la famille biologique du défunt, et non à sa famille politique. Celle-ci militait pour que Robert Gueï repose dans son village natal, tandis que celle-là voulait l'enterrer dans le jardin de la villa du défunt à Abidjan. L'affaire a mal tourné. Les deux camps se sont retrouvés face à face, il y a quelques semaines, devant le domicile de l'ex-président. Les forces de l'ordre ont arbitré la confrontation : il y a eu plusieurs dizaines de blessés. Depuis, un compromis a été trouvé. Le général aura droit aux honneurs militaires et il reposera dans la terre de ses ancêtres.