Annonce Les narcos se disputent le contrôle des routes qui mènent la drogue aux Etats-Unis. La guerre des cartels ensanglante le nord du Mexique C'est un peu le Far West, sauf que c'est dans le nord du Mexique. Sauf que les vieux revolvers sont des AK-47 et les mustangs, des 4x4. Près de 600 personnes ont été assassinées de sang-froid depuis le début de l'année dans la «guerre des cartels» de la drogue, principalement dans les Etats limitrophes des Etats-Unis, points de passage, selon la CIA, de près de 70 % de la cocaïne qui entre chaque année sur le territoire américain, sans parler de l'héroïne et de la marijuana. Principales victimes : les narcos eux-mêmes. Depuis 2003, les trois cartels dits «du Golfe» (du Mexique, ndlr), «de Tijuana» et «de Sinaloa», se tirent dessus, en compétition pour les routes qui mènent la drogue aux Etats-Unis. Autres victimes : des juges, des avocats, des policiers, des journalistes... Doigts coupés. Dimanche encore, deux policiers de Chihuahua, un responsable et son adjoint du bureau du procureur de la ville, ont été retrouvés étranglés, en petite tenue, dans une voiture volée, le premier dans le coffre, le second sur le siège arrière. Dans la même ville, il y a quinze jours, un responsable de l'aéroport de Mexico, qui enquêtait dans le nord, était blessé dans une tentative d'assassinat. Trois jours plus tard, douze hommes armés sont venus l'achever sur son lit d'hôpital, tuant au passage ses deux gardes du corps. La veille, à Ciudad Juarez, un ancien commandant de police avait été retrouvé mort, criblé de balles, les doigts coupés, une des «marques» des narcos mexicains. Le 9 juin, à Nuevo Laredo, ville-frontière avec la texane Laredo, Alejandro Dominguez était tué, dans sa voiture, d'une trentaine de balles. Neuf heures plus tôt, il avait prêté serment comme chef de la police locale : «Mon seul engagement, c'est aux côtés des citoyens.» Moins d'une semaine auparavant, un autre responsable de la police locale avait été abattu sous les yeux de sa fille. A Nuevo Laredo toujours, en avril, une journaliste qui menait un programme de faits divers très écouté sur la radio locale Stéréo 91, était assassinée à l'entrée de la station. C'était le troisième meurtre de journaliste depuis le début de l'année. Dans une enquête récente de l'association Reporters sans frontières, le directeur de l'information de Stéréo 91 reconnaît : «Désormais, nous nous limitons à un seul angle de traitement, celui du "comment", nous évitons le "qui" et le "pourquoi" (...) Nous ne voulons fâcher personne.» A Tijuana, le quotidien Frontera a cessé de publier des photos des narcos et de leur entourage. Corrompues. Le président Vicente Fox a donc trop forcé le trait quand il a affirmé que les 600 morts n'étaient dus qu'à «une énorme bulle d'homicides entre capos» de la drogue. Les règlements de comptes entre les cartels sont certes derrière les principaux échanges de balles. Cependant, c'est l'ensemble de la société civile qui est menacée par les «dommages collatéraux». D'autant que les polices locales polices des Etats fédérés et polices municipales sont en partie corrompues par le narcotrafic. Le 12 juin, Vicente Fox envoie ses troupes dans huit grandes villes du nord, dont Ciudad Juarez, Chihuahua, Tijuana, Nuevo Laredo. Des centaines de militaires et de policiers fédéraux sont déployés. A Nuevo Laredo, les 428 policiers municipaux sont congédiés du jour au lendemain. Une quarantaine d'entre eux sont transférés dans la capitale pour répondre de leurs liens avec le narcotrafic. En attendant, le sujet pourrit plus que jamais les relations entre Mexico et Washington. La secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, qualifie de «corrompue et inefficace» la police mexicaine. De son côté, le Mexique affirme qu'une partie des armes utilisées par les cartels arrive en contrebande des Etats-Unis et réclame «une plus grande collaboration» de Washington.