Annonce Les journalistes du "Beijing News" en grève pour soutenir leur rédacteur en chefUne centaine de journalistes du tabloïd Beijing News – considéré comme l'un des journaux les plus impertinents et plus populaires de Chine – se sont mis en grève pour protester contre le licenciement de leur rédacteur en chef, Yang Bin, et de ses deux adjoints, Sun Xuedong et Li Duoyu, a-t-on appris vendredi 30 décembre au sein de l'entreprise. "Environ cent éditeurs et reporters de trois services ont commencé une grève hier soir", a indiqué un journaliste sous couvert de l'anonymat. D'autres, sans faire grève, ont manifesté leur soutien à la direction sortante. Ce mouvement est sans précédent en Chine. Ces trois journalistes auraient été remplacés mercredi par des responsables de la maison-mère du journal, le Guangming Daily, un quotidien de la capitale chinoise considéré comme conservateur. Le Guangming Daily a démenti qu'il s'agisse d'un limogeage, affirmant que Yang Bin était revenu au Southern Daily Group, où il travaillait auparavant. "C'est un transfert normal, pas un limogeage", a déclaré une responsable du journal qui a refusé de donner son nom. Aucun cadre du Southern Daily Group n'a souhaité s'exprimer.Une pétition contre le licenciement de Yang Bin et la nomination de responsables du Guangming Daily a circulé parmi les journalistes du Beijing News. Certains ont laissé entendre que le Guangming Daily, qui détient 51 % du tabloïd, voulait accroître sa participation dans ce quotidien plus rémunérateur.LA LIBERTÉ MISE AU PASLes autorités n'ont donné aucune explication concernant ces limogeages, lesquels s'inscrivent pourtant dans le cadre d'une lutte entre le Parti communiste – soucieux de garder son emprise sur l'information – et des journaux chinois qui cherchent à attirer les lecteurs par des articles plus hardis que la moyenne. Le Beijing News s'est en particulier acquis une réputation de défiance à l'égard du pouvoir. Le Beijing News – lancé en novembre 2003 à la suite d'un partenariat entre le groupe de presse du sud de la Chine, Southern Daily, et le Guangming Daily – tranche avec la plupart des journaux chinois par son ton, le choix de ses sujets et sa présentation, en particulier l'utilisation des photos. Il n'a pas tardé à prendre des libertés avec la censure. Selon un chef de rédaction de Pékin, des responsables de la propagande ont critiqué le Beijing News lors d'une réunion qui s'est tenue le 6 décembre. Au cours de cette dernière, il a été décidé que les "tabloïds urbains" de cette nature devaient "renforcer le contrôle du Parti" et répondre à l'attente des autorités de propagande. D'après ce responsable de presse, le Beijing News a été accusé d'"erreurs dans l'orientation de l'opinion" et taxé de "récidivisme". Les services de propagande ont en outre rejeté une proposition de "remise en ordre de ses affaires" émanant du Beijing News. Il a précisé que le Beijing News s'était vu reprocher un article sur le meurtre, en juin, de sept manifestants ruraux par des responsables de Dingzhou, dans le nord de la Chine, ainsi que des reportages relativement compréhensifs sur un travailleur immigré qui avait tué son contremaître et trois autres personnes parce que son salaire ne lui était pas versé. Le chef des services de propagande, Liu Yunshan, a déclaré que les problèmes du Beijing News devaient être "résolus de façon fondamentale", a ajouté ce responsable de presse.Tandis que le Parti communiste réaffirmait son autorité sur le tabloïd, l'annonce du licenciement de Yang Bin a été diffusée via Internet, provoquant une série de débats en ligne qui laissent entrevoir les limites du contrôle exercé par le parti. Le développement spectaculaire de l'Internet en Chine – où sont recensés 100 millions d'internautes – rend difficile la censure d'informations. "Le gouvernement peut encore contrôler à 100 % des décisions sur le personnel [des journaux], mais il n'exerce plus ce type de contrôle sur le flot de l'information", note Jiao Guobiao, professeur de journalisme limogé en mars après avoir dénoncé les contrôles de la propagande chinoise sur la Toile. Ces derniers mois, dissidents et groupes de défense des droits de l'Homme ont dénoncé une campagne de répression du gouvernement du président Hu Jintao pour mettre au pas les médias et contrôler l'Internet.
