Annonce Les Indiens du Brésil contre la bio-piraterie BRASILIA (AFP) - La raclure de peau de crapaud utilisée comme anesthésique ou la "ayuhaska", une préparation hallucinogène utilisée dans des cérémonies curatives et divinatoires en Amazonie, sont parmi les produits les plus anciens utilisés par les Indiens du Brésil, mais ils ont été brevetés par des chercheurs nord-américains. Le fruit du cupuaçu, un arbre de la famille du cacao, est une des bases de l'alimentation dans la forêt tropicale. Il a failli devenir une marque déposée japonaise avant qu'un tribunal nippon ne rejette en mars dernier son enregistrement après une campagne qui a uni dans un même combat les autorités, les écologistes et les indigènes du Brésil sous le slogan : "Le cupuaçu est à nous". Ces cas de bio-piraterie ont été dénoncés par une trentaine de "pajés", les prêtres-sorciers des tribus d'Indiens du Brésil, lors d'une rencontre de trois jours organisée à Brasilia en fin de semaine dans une salle du ministère brésilien des Affaires étrangères, pour défendre la notion de propriété intellectuelle collective. La bio-piraterie est largement pratiquée par des chercheurs ou des laboratoires qui investissent pour isoler les formules de certains produits utilisés depuis des temps immémoriaux par les populations indigènes afin de les exploiter comme fruits de "découvertes" originales. La réunion était appuyée par le ministère de l'Environnement. "La bio-piraterie lèse aussi le patrimoine national", a expliqué Marcos Terena, conseiller de l'Institut indigène brésilien de la propriété intellectuelle (Inbrapi), créé en 2003. L'esplanade des ministères s'est transformée en fin de semaine en un lieu étrange où se sont mêlés les danses rituelles et des discours truffés d'argumentaires juridiques et de références aux traités internationaux. "Nous demandons au gouvernement, aux Nations unies, un système légal spécial pour les traditions indigènes", a dit à l'AFP Terena, originaire d'une ethnie du même nom située dans la zone du Pantanal, proche du Paraguay. Il admet la possibilité d'une coopération économique pour l'exploitation des ressources de la forêt, à condition qu'elle soit acceptée par la communauté. "Un de nos principes fondamentaux c'est que nous avons le droit de dire non". "L'homme blanc a déjà exploré toutes les possibilités de diriger les affaires indigènes et le résultat a été un désastre", selon Terena, qui se dit déçu par le fait que le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva ait nommé un blanc à la tête de la Fondation nationale de l'Indien (FUNAI). Les Indiens du Brésil veulent avoir un pouvoir de décision dans les organismes chargés de la propriété intellectuel, a souligné Ailton Krenak, membre d'une ethnie située à la limite des Etats du Minas Gerais et d'Espirito Santo (est). Ancien électeur de Lula, Terena est déçu par le fait que la gauche au pouvoir "ne reconnaît pas la biodiversité des droits. "Le gouvernement a commencé à nous traiter avec les critères de lutte des classes, ou comme si nous étions un syndicat. Nous ne sommes pas dans cette catégorie. Nous sommes les nations originaires et nous luttons pour notre terre", affirme Terana. On compte quelque 400.000 Indiens au Brésil (moins de 0,3% de la population) qui revendiquent 12% du territoire national, principalement dans des régions de la forêt amazonienne.