Annonce Les groupes de communication espagnols entrent en conflit sur la TV "en clair" Un projet de loi prévoit qu'en 2010 toutes les chaînes de télévision du pays devront abandonner la diffusion en analogique pour adopter le numérique. Madrid de notre correspondante Le conseil d'administration de Sogecable, propriétaire de Canal+ Espagne et du bouquet numérique Digital +, a demandé, mardi 22 février, au conseil des ministres espagnol l'autorisation pour Canal+ d'émettre en clair 24 heures sur 24, d'abandonner la télévision à péage pour être financée par la publicité. Quelques heures plus tard, Veo TV, qui dispose d'une licence de télévision numérique en clair, demandait à émettre en analogique. Ces annonces relancent la "guerre numérique" entre les différents groupes de communication espagnols, déjà en ébullition depuis que le gouvernement de José Luis Rodriguez Zapatero a présenté le nouveau projet de loi qui réglementera la future télévision numérique terrestre (TNT). Ce texte prévoit qu'en 2010 toutes les chaînes de télévision (privées ou publiques) devront abandonner le système analogique pour adopter le numérique. Pendant la période transitoire, 22 nouveaux canaux deviendront accessibles pour favoriser le pluralisme. Parallèlement, des concessions de canaux privés seront possibles. Le gouvernement doit modifier la loi sur la télévision privée, qui date de 1988 et qui limitait à trois les concessions privées de couverture nationale, ce qui avait permis le lancement d'Antena 3 et Telecinco en clair et de Canal+, la seule chaîne cryptée. En mars 2002, le Parti populaire (PP, droite), alors au pouvoir, en avait attribué deux autres à Net TV et Veo TV, qui émettent en numérique et ne couvrent que 25 % du territoire car très peu de foyers sont équipés. Cette situation a suscité quelques remous. Le 16 février, quatre grands groupes de communication ont accusé le gouvernement socialiste de "favoritisme" envers le groupe Prisa lors d'une conférence de presse. Les journalistes n'ont pas eu le droit de poser de questions et se sont simplement vu remettre un communiqué... Cette curieuse convocation a permis à la presse dépendant de ces quatre groupes de publier une "photo de famille" d'une douzaine de dirigeants de chaînes de télévision, de radios ou de journaux, ne représentant, en raison de la concentration des médias en Espagne, que ces quatre mêmes groupes. Qui sont-ils ? Planeta, actionnaire majoritaire d'Antena 3, de la radio Onda Cero et du journal de droite La Razon ; Telecinco, contrôlée par Silvio Berlusconi via sa holding Mediaset, Recoletos, éditeur notamment des quotidiens de sport Marca et économique Expansion, et qui détient aussi 28 % de Veo TV via Unedisa, société éditrice du journal conservateur El Mundo ; et Vocento, éditeur de l'autre grand journal conservateur ABC et actionnaire majoritaire de Punto Radio et de Net TV, mais aussi Telecinco (13 %). Ces quatre acteurs craignent qu'une priorité accordée à leur principal concurrent, le groupe Prisa, lui permette de tirer profit de sa fréquence analogique pour capter le marché publicitaire avant qu'ils aient eu le temps de se préparer. La composante politique de la bataille autour de Prisa - qui détient 23,64 % de Sogecable contre 23,83 % à Telefonica, le quotidien El Pais et la chaîne de radio Cadena Ser - est évidente. Les médias du groupe Prisa sont réputés proches de la gauche alors que leurs concurrents se situent plus ou moins nettement à droite. C'est le partage de la "galette publicitaire", selon la formule du ministre de l'industrie, José Montilla, qui est au centre de cette nouvelle polémique. Pour le conseiller délégué de Sogecable, Javier Diez de Polanco, le marché publicitaire est saturé et les annonceurs se seraient prononcés pour l'entrée d'autres opérateurs. Le président de Sogecable, Rodolfo Martin Villa, a assuré que la demande d'émission en clair de Canal+ n'a rien à voir avec les réformes proposées par le gouvernement pour la télévision numérique, mais qu'il s'agit à la fois de défendre les "intérêts légitimes" de la compagnie et l'"intérêt général". Ce n'est pas l'avis de Telecinco et d'Antena 3, qui, mardi 22 février, se sont dit prêts à contester juridiquement une "décision arbitraire"en cas d'une autorisation gouvernementale. Cela, estiment-ils, donnerait à Sogecable, "déjà en situation de monopole pour la télévision payante par satellite, une position dominante unique dans le marché européen, car il serait le seul opérateur en mesure d'acheter et d'exploiter les droits de cinéma et de sport simultanément par télévision en clair et payante". José Luis Rodriguez Zapatero a répondu que les demandes seraient étudiées, mais qu'aucun délai n'était prévu. Toutefois, d'autres membres du gouvernement ont laissé entendre que cette autorisation pourrait être accordée sans difficulté.