Annonce Les Etats-Unis ont soigneusement espionné le programme nucléaire françaisLes Etats-Unis ont amplement espionné pendant des décennies le programme nucléaire français, dès la fin de la deuxième guerre mondiale, selon des documents rendus publics mardi 21 mars.Trente-deux documents déclassifiés, allant de février 1946 à juin 1987, ont été fournis par l'Agence centrale du renseignement (CIA), le département d'Etat, le commandement militaire pour la zone Pacifique, le commandement stratégique aérien et le Manhattan Project (nom de code du programme pour le développement de la bombe atomique américaine).Si l'espionnage lui-même n'est pas une surprise, les documents déclassifiés révèlent l'étendue de l'intérêt manifesté par les Etats-Unis pour le programme nucléaire français et les méthodes utilisées pour le surveiller. "Le grand intérêt a été porté de la fin des années 1950 jusqu'au milieu des années 1970. Evidemment, [lorsque la France] a cessé en 1974 les essais dans l'atmosphère, il y a eu moins d'informations à recueillir", a expliqué à l'AFP Jeffrey Richelson, chercheur aux Archives de la sécurité nationale.Au moment où son intérêt était le plus élevé, Washington a déployé des satellites, des avions espions U2, des navires de la marine, intercepté des communications et utilisé des espions pour réunir des informations sur le programme français, à la fois en France et dans le Pacifique. "Cela indique de toute évidence qu'il y avait un grand intérêt de la part des Etats-Unis à cette époque", a estimé M. Richelson."TOUS DES COMMUNISTES"Citant "une source sûre", un mémorandum ultrasecret daté du 18 février 1946 rapporte que, "selon une rumeur, des savants français ont trouvé la formule et mis au point les techniques pour des explosions atomiques, et ils veulent maintenant vendre cette information". "Ils prétendent qu'ils ne veulent pas la vendre aux Alliés ou à leur propre gouvernement pour des raisons politiques", poursuit le mémorandum.Quelques mois plus tard, un autre document secret américain note : "Il est bien connu qu'au Commissariat à l'énergie atomique français, tous [les responsables] sont des communistes ou des sympathisants communistes..."Au début des années 1950, le département d'Etat et l'armée américaine suivaient de près les personnels travaillant aux programmes nucléaires français, alors que la France n'avait pas encore pris la décision d'acquérir l'arme nucléaire. Cette surveillance s'était accrue au milieu des années 1950 après la mise en place par la France de groupes d'études secrets sur l'arme nucléaire, la recherche d'un centre d'essais et enfin les premiers essais nucléaires, à partir de 1960 au Sahara, puis dans le Pacifique à partir de 1966.Les documents des années 1960 décrivent en détail les sites de Mururoa et Fangataufa en Polynésie, ainsi que l'opération américaine"Burning Light" (lumière brûlante) qui visait à mesurer les ondes électromagnétiques des essais français, les services de renseignement américains ayant appris à l'avance la date et l'heure de ces essais.Le document le plus récent date de 1987, mais les activités de surveillance du secteur nucléaire français se sont poursuivies dans les années 1990, assure Jeffrey Richelson, en précisant qu'une partie était menée par la Nouvelle-Zélande, en coopération avec les Etats-Unis.
