Annonce Les enjeux de l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne Le vote a failli ne pas avoir lieu. Le Parti populaire européen (PPE, droite) et les Verts ont menacé, mercredi, de demander le report du vote du Parlement européen sur la signature du traité d'adhésion à l'UE de la Bulgarie et de la Roumanie. D'après eux, il était inutile de se prononcer dès la mi-avril pour une adhésion programmée en 2007. "On peut voter après novembre", a déclaré Daniel Cohn-Bendit, coprésident du groupe des Verts au PE à la presse, précisant que cette date correspondait à la présentation du rapport de suivi de la Commission européenne sur l'adhésion de ces deux pays des Balkans. Au-delà des rebondissements au Parlement européen sur le vote prématuré ou non, le oui accordé par les eurodéputés à Sofia et Bucarest soulève plusieurs questions. Sur le plan sécuritaire, l'intégration de la Bulgarie et de la Roumanie, deux anciens bastions du bloc communiste, coïncide à quelques mois près à leur adhésion à l'OTAN en 2004. L'Alliance atlantique a programmé la création de plusieurs bases militaires sur le pourtour occidental de la mer Noire, faisant désormais de celle-ci un lac européen, voire atlantiste. En effet, au moment où Bruxelles dit oui, le président roumain, Traian Basescu, a justifié sa volonté d'instaurer un partenariat très étroit avec les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, deux piliers de l'OTAN ; une initiative qui a fait dire le mois dernier au ministre des affaires étrangères français, Michel Barnier, qu'il n'avait pas "un réflexe européen". Le président roumain lui a répondu que de nombreux conflits dormants, comme ceux de la Transnistrie (Moldavie) et du Kosovo, portaient les germes de l'instabilité sur le flanc oriental de l'Union européenne. Sur le plan régional, le fait que la Bulgarie et la Roumanie rejoignent la grande famille de l'Union européenne pose la question de l'adhésion des pays voisins, comme la Turquie, l'Ukraine, la Moldavie et les pays issus de l'ex-Yougoslavie. Pour la Turquie, l'adhésion de Bucarest et de Sofia est de bonne augure. Elle crée une dynamique qui n'a a priori aucune raison de s'arrêter sur le mont Vidocha (Bulgarie). A Ankara, on y voit un signe d'encouragement à l'élargissement au sens large du terme. Pour l'Ukraine et la Moldavie, l'adhésion des Roumains et des Bulgares les rapproche de l'Union européenne. Ukrainiens et Moldaves n'ont jamais caché leur volonté de rejoindre l'espace communautaire. Et force est de constater que ce renforcement du voisinage direct avec l'UE promet d'assurer une certaine stabilité des économies ex-soviétiques attirés par les capitaux européens. Enfin, l'adhésion de ces deux ex-pays communistes parachève le contournement de l'ex-Yougoslavie, désormais contrainte de suivre le calendrier imposé par Bruxelles pour éviter tout isolement. La sécurité, la paix et la stabilité des Balkans sont désormais du ressort exclusif de Bruxelles. VALORISATION GÉOSTRATÉGIQUE Sur le plan économique, outre l'appel d'air que vont susciter les crédits européens dans le but d'harmoniser les politiques locales aux standards européens, l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie coïncide avec la signature, mardi 12 avril, d'un protocole d'accord entre la Russie, la Grèce et la Bulgarie pour la construction d'un oléoduc de 285 kilomètres entre la mer Noire et la mer Egée, précisément entre le port bulgare de Bourgas et le port grec d'Alexandroupolis. Cette valorisation géostratégique de toute la région des Balkans a un impact sur l'ensemble de l'Europe méridionale. Jusqu'à la mer Caspienne, d'où partent les oléoducs. D'ailleurs, à ce premier projet d'oléoduc s'ajoute un second reliant l'Albanie à la Macédoine et la Bulgarie. Devenue dès lors une plaque tournante géoéconomique de l'UE, la Bulgarie, par laquelle transitera les pipelines, s'attend à recouvrer  son rang de puissance régionale, héritage de l'époque des démocraties populaires d'une Europe divisée. A cet effet, les élections législatives, et c'est un autre enjeu politique cette fois-ci, de juin 2005 en Bulgarie ont valeur de test démocratique et d'intégration européenne pour cette jeune démocratie. Le Parti socialiste bulgare (PSB), en tête des sondages, s'est déclaré prêt, samedi 9 avril, à gagner ce scrutin. "Nous porterons la responsabilité pour le gouvernement au cours des quatre prochaines années", a souligné son président, Serguei Stanichev, ajoutant qu'il était prêt à devenir premier ministre, lors d'un congrès à Plovdiv (Sud). Résolument tourné vers l'économie de marché, préalable indispensable au redressement de la Bulgarie aux normes européennes, le chef du PSB veut mener une campagne "réaliste" en faisant connaître à ces concitoyens "les risques d'une économie insuffisamment compétitive" dans la perspective d'une adhésion à l'UE finalisée par un référendum avant 2007. Enfin, l'adhésion des Roumains et des Bulgares à l'Union soulève encore quelques réserves sur le Vieux Continent. Nombreux sont les observateurs à s'interroger sur les capacités de ces régimes à s'adapter résolument aux normes démocratiques européennes. Les questions des minorités turques en Bulgarie et des Tziganes en Roumanie ne sont toujours pas résolues. Le PSB est moins enclin que le parti de l'actuel premier ministre, le Mouvement national de Siméon II, à se préoccuper du sort des Bulgares turcophones, dont le parti, le Mouvement pour les droits et libertés, cogouverne le pays depuis 2001 avec le Mouvement national. Si le PSB obtient la majorité absolue à l'issue du scrutin de juin, la question de la minorité turque ne risque-t-elle pas de resurgir avec acuité ? En Roumanie, la question de la minorité tzigane, notamment les discriminations qu'elle subit depuis plusieurs générations, n'est pas éteinte. La tentation d'une résurgence d'un sentiment nationaliste roumain en opposition à l'adaptation du pays aux normes européennes risque de se faire aux dépens des gens du voyage, tenus à l'écart du développement socio-économique. A cela s'ajoute les questions purement sociétales, comme le sort des orphelinats en Roumanie connus en Europe pour leur insalubrité et le mauvais traitement des orphelins. "Nous tiendrons nos engagements", a déclaré cependant le président roumain, ajoutant qu'il "est évident que nous avons encore beaucoup d'efforts à accomplir pour mettre la Roumanie à niveau".