Changement Les derniers Nukak de Colombie vont pouvoir regagner la forêtAprès en avoir été chassé par la guerre civile au printemps, l'un des derniers groupes d'Indiens nomades de Colombie va pouvoir retourner vivre dans la forêt amazonienne. Le gouvernement colombien a annoncé, le 11 août, qu'il accordait aux Indiens Nukak une zone sécurisée de 20 000 hectares de forêt, à Puerto Ospina, à cheval sur les régions du Guaviare et du Guainia (sud-est du pays). Il a ainsi répondu aux pressions d'une campagne nationale et internationale menée par la presse et par des associations de défense des peuples autochtones telles que l'Organisation nationale indigène de Colombie (ONIC) ou Survival International. De son bureau londonien, le 16 août, Stephen Corry, directeur de Survival, s 'est réjoui de cette décision. Même si, selon lui, "la situation des Nukak n'est pas réglée pour autant".Méconnu des anthropologues jusqu'en 1988, le peuple nukak, un sous-groupe de l'ethnie maku, est l'un des seuls d'Amazonie à avoir toujours été chasseur-cueilleur et nomade. Alors que la plupart des Indiens vivent en sédentaires le long des rivières, les Nukak se déplacent constamment, emportant partout avec eux leur principal mobilier : un hamac.Depuis la fin des années 1980, leur territoire, situé aux confins du bassin amazonien, dans l'est de la Colombie, a été peu à peu occupé par des colons cultivateurs de coca. Certains n'ont pas hésité, parfois, à tirer sur les Indiens qui croisaient leur chemin. C'est d'ailleurs un incident de ce type qui avait entraîné une cinquantaine de femmes et d'enfants nukak à sortir de la forêt pour la première fois en 1988. Depuis, au contact du monde extérieur, la moitié des Nukak ont été emportés par la grippe, la pneumonie ou le paludisme. Aujourd'hui, ils ne sont plus que 500, dont 200 vivent encore en Amazonie.Ces dernières années, la forêt est de surcroît devenue le terrain d'affrontements entre l'armée et les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC). Pris entre colons, militaires et guérilleros, les derniers des nomades colombiens tentent de fuir. En mars 2006, un groupe de 150 personnes s'est ainsi réfugié aux abords de la ville de San José.Les armes ne sont peut-être pas les seules responsables de cet exode . Le peuple nukak semble attiré par la ville et son confort depuis qu'il les connaît. C'est pourtant dans des conditions misérables que les Nukak échoués près de San José ont vécu depuis le printemps, avant que la couverture médiatique de leur situation n'entraîne une réaction des autorités.Jonathan Mazower, directeur de recherche chez Survival International, craint que le gouvernement ne s'estime libéré de toute obligation à présent qu'il a attribué aux Nukak une parcelle de forêt. Car celle-ci n'équivaut en surface qu'à "2 % de leur territoire d'origine". Sur leur nouvelle terre, les Nukak ne pourront peut-être pas conserver leur mode de vie nomade. Située à quelque 450 km de leur cadre de vie traditionnel, elle diffère de ce dernier "tant par son étendue que par son écosystème". On y trouve peu de gibier, mais beaucoup de guérilleros.
