Succès Les Chinois découvrent la psychologie à la télévisionRendez-vous quotidien de centaines de milliers de téléspectateurs chinois, l'émission Xinling huayuan, ou Jardin du coeur, a investi depuis 2004 un terrain encore dominé en Chine par les chiromanciens ou autres spécialistes de la divination : celui des troubles de l'âme. "Jardin du coeur est la première émission à traiter de psychologie ici. C'est encore tabou d'aller voir des psychiatres en Chine, et il y en a très peu", dit Showline Chang, une psychologue taïwanaise qui joue le rôle du "psy" dans cette émission phare de Channel Young, diffusée chaque soir en semaine, de 21 heures à 22 heures à la télévision de Shanghaï.Un seul cas est traité par émission : le ou les participants, masqués ou bien à visage découvert, sont invités à s'exprimer par "docteur Chang" - tandis que deux ou trois représentants du public donnent leurs avis, souvent tranchés, sur les problèmes exposés. Docteur Chang propose ensuite une amorce de solution - sous la forme d'un jeu de rôle, ou de gestes simples - aux diverses pathologies qui ont pu éclore dans ce laboratoire des modes de vie et de consommation qu'est Shanghaï pour la Chine.Les comportements y sont parfois proches de la caricature. "Il y a plein de dépressifs à Shanghaï : les gens sentent que c'est une période d'opportunités, il y a toujours quelqu'un qui a un bon plan. Ils ne veulent rien rater et ça les rend très anxieux, dit Showline Chang. Souvent des familles se déchirent à l'antenne au sujet des compensations obtenues quand leur maison est démolie. C'est un apport de cash très important en Chine. Des familles font toutes sortes d'arrangements pour obtenir plus. Puis se disputent. Il y a partout des conflits familiaux autour de l'argent, c'est bien connu. Mais je l'ai rarement vu exprimé avec une telle véhémence", poursuit cette émule chinoise de l'animatrice de télévision française Mireille Dumas.MODERNISATION CHAOTIQUEL'équipe de Jardin du coeur reçoit désormais près de 1 000 propositions par mois - alors que le manque de candidats avait, au début, amené les organisateurs à faire rejouer des cas réels par des comédiens improvisés. Pour édulcorées qu'elles soient - la censure veille -, les émissions de ces deux dernières années déroulent la chronique d'une modernisation chaotique, qui laisse les individus sans repère.On y voit un vieil homme de 78 ans tout juste divorcé après 58 ans de mariage. Son ex-femme le harcèle car il a offert un collier en or à une employée de salon de massage. Il souhaite que docteur Chang la raisonne. Une autre fois, un jeune paysan, masqué, est sur le plateau avec son père et sa petite amie. Il raconte le drame qu'il a vécu : n'ayant pas compris en quoi consistait le travail bien payé qu'il avait déniché dans un bar de Shanghaï, il fut violé par un client. Ailleurs, un homme souhaite que docteur Chang soigne sa petite amie, qu'il a surprise avec une autre femme. "On a même abordé le tabou de l'homosexualité, c'est une première en Chine. Quand je suis arrivée, on me disait de ne pas prononcer le mot adultère ou maîtresse. Il y avait une longue liste de mots interdits. On pouvait parler d'adultère, mais il était défendu d'utiliser ce mot. Maintenant, on l'utilise sans arrêt !", raconte la psychologue.
