Élection Les chiites d'Irak remportent les élections Les chiites d'Irak ont remporté haut la main les premières élections de l'après-Saddam Hussein mais espèrent associer les sunnites, marginalisés, à un gouvernement représentatif de crainte d'une escalade de l'instabilité politique et de la violence.Les Kurdes, qui ont longtemps souffert des exactions du régime de Saddam Hussein, constituent désormais la deuxième force politique d'Irak, selon les résultats officiels du premier scrutin multipartite libre depuis plus de 50 ans, annoncés dimanche par la Commission électorale.Bravant les menaces des groupes armés, les Irakiens ont élu le 30 janvier une Assemblée nationale transitoire dont la tâche principale sera de rédiger la Constitution permanente, et les 18 Conseils de province. Les Kurdes ont, en outre, voté pour renouveler le Parlement de leur région autonome.La liste chiite de l'Alliance unifiée irakienne parrainée par le grand ayatollah Ali Sistani devrait être en mesure de remporter la majorité absolue des 275 sièges de l'Assemblée nationale, donnant le pouvoir pour la première fois à cette communauté majoritaire également opprimée sous Saddam Hussein.Elle a obtenu 4.075.291 voix, soit 48,1% des suffrages exprimés, et devrait avoir 140 sièges au Parlement. Elle est suivie de celle de l'alliance des partis kurdes avec 2.175.551 votes (25,7%), qui devrait obtenir 75 sièges, et de celle du Premier ministre Iyad Allaoui 1.168.943 votes (13,8%, ce qui devrait lui assurer 40 sièges). Le taux de participation a atteint 59%.Ces résultats sont un revers pour les Arabes sunnites, qui sont massivement restés à l'écart des élections après qu'ils eurent dirigé le pays pendant des décennies. Le plus faible taux de participation (2%) a été enregistré dans la province d'Al-Anbar, l'un des plus importants foyers de l'insurrection sunnite en Irak.La liste du président sortant, le sunnite Ghazi al-Yaouar, n'arrive qu'en quatrième position avec 150.680 votes, soit 1,7% des suffrages exprimés, et devrait obtenir cinq sièges. Les autres sièges seront répartis entre petites formations, notamment chiites."La tenue des élections à la date prévue a été une éclatante victoire", a souligné le Conseil des ministres dans un communiqué publié à l'issue d'une réunion présidée par M. Allaoui qui a décidé de faire du 30 janvier un jour de fête nationale.Mais désormais l'Irak entre désormais dans le jeu compliqué des marchandages politiques et des alliances dont dépendra la désignation des prochains dirigeants.Les 275 députés auront d'abord à élire le président et les deux vice-présidents de l'Assemblée nationale qui devra ensuite élire, à la majorité des deux tiers, le Conseil présidentiel composé du chef de l'Etat et de deux vice-présidents.C'est le Conseil présidentiel qui aura, dans les deux semaines suivant sa nomination, à choisir à l'unanimité un Premier ministre ainsi que les ministres sur avis du chef du gouvernement.Les journaux de Bagdad s'interrogeaient sur la suite du processus politique."La situation difficile en Irak requiert un pouvoir fort aux mains d'un dirigeant courageux pour qu'il mette l'Irak sur le chemin de la stabilité et du développement", estime le quotidien Baghdad, proche de M. Allaoui.Al-Mashriq du sunnite Nehru Abdelkarim, candidat malheureux, craint une division. "Quel que soit le résultat des élections, la crainte ne vient pas du nombre de sièges que telle ou telle liste obtient mais la peur, toute la peur est que l'équilibre soit rompu", dit-il.Les chiites avaient réussi à présenter un front unifié qui pourrait être mis à mal lors du processus de formation du gouvernement.D'origine iranienne, Sistani ne brigue aucun poste, mais plusieurs candidats sont déjà sur les rangs pour être président ou Premier ministre: le ministre des Finances sortant Adel Abdel Mahdi, le vice-président sortant Ibrahim Jaafari et un outsider, Hussein al-Chahrastani. Ahmed Chalabi a affiché son ambition d'être Premier ministre, affirmant être soutenu par la liste parrainée par Sistani.Côté kurde, le chef de l'Union patriotique du Kurdistan Jalal Talabani briguerait la présidence, selon des responsables kurdes.Selon des experts irakiens, les sunnites pourraient obtenir le poste de chef de l'Assemblée nationale.La liste des deux grands partis kurdes a aussi remporté les élections pour le conseil de la province de Taamim, dont la ville multiethnique de Kirkouk est le chef-lieu, par 58,4% des voix, renforçant les craintes de crispations entre les différentes communautés.La première réaction du président américain George W. Bush a été prudente et s'est fait attendre. Dans un communiqué, il a salué la proclamation des résultats mais indiqué qu'il fallait attendre leur certification. Il a aussi souligné que "les Etats-Unis et nos partenaires au sein de la coalition peuvent être fiers du rôle joué pour rendre possible ce grand jour".