Vente Les bijoux de Margaret font toujours rêverMélangez dans un shaker doré des rivières de diamants et des parures de perles, la conviction de revivre l'histoire de la monarchie britannique, deux joyeux héritiers Windsor âpres au gain et un catalogue devenu objet de collection, et c'est l'explosion des enchères. Organisée par Christie's mardi 13 et mercredi 14 juin à Londres, la vente de 200 lots de bijoux et de 600 lots de meubles, tableaux et argenterie de la princesse Margaret, soeur de la reine, décédée en 2002, sera un événement.La foule fait la queue pendant des heures afin d'apercevoir les précieux objets vendus par ses deux enfants, Lord Linley et Lady Sarah Chatto, pour payer des droits de succession qui s'élèvent à 3,5 millions de livres. En vedette, le portrait de la fille cadette de George VI réalisé en 1957 par Pietro Annigoni, la tiare Poltimore qu'elle portait lors de son mariage, en 1960, avec le photographe Anthony Armstrong-Jones et une petite horloge Fabergé mauve. Figurent aussi dans la vente les colliers de perles et les bijoux de diamants et de rubis offerts à Margaret Rose par sa grand-mère, la reine Mary."A sa manière, avec son parfum de tragédie antique, dans les années 50, Margaret était une femme mythe, une icône un peu comme Diana. Les objets reflètent sa personnalité flamboyante et son goût des belles choses", explique Raymond Sancroft-Baker, directeur du département joaillerie européenne de la salle de ventes de King Street. A l'écouter, les prix devraient dépasser les estimations déjà élevées. En effet, parmi les enchérisseurs potentiels figurent plusieurs oligarques russes intéressés par les trésors signés Fabergé et des millionnaires américains attirés par le label dynastique.La décision de David Linley, 44 ans, de vendre ces possessions "incompatibles avec des intérieurs restreints" a provoqué une vive polémique. Christopher Warwick, auteur d'une biographie de la princesse, juge cette cession indécente : "Si les enfants ne voulaient pas garder ces merveilles, pourquoi ne pas les donner aux musées nationaux ? C'est un pan entier de notre patrimoine qui partira à l'étranger."Robert Lacey, spécialiste du palais, dénonce la réputation d'entrepreneur habile et rusé de ce designer de meubles qu'est David Linley : "Il n'est pas un grand sentimental. La monarchie et l'aristocratie de ce royaume sont très terre à terre quand il s'agit de transformer le passé en or."La reine, qui adore les créations de son neveu et ne perd aucune occasion de le faire savoir, n'apprécie guère son sens roturier des affaires. Ce charpentier de formation n'avait-il pas immédiatement vendu sans lui demander son avis la villa de l'île Moustique que sa mère lui avait cédée pour des raisons fiscales en 1998, en vue d'acheter un domaine dans le Lubéron ? Le vicomte, douzième dans la ligne de succession au trône, s'était momentanément brouillé avec son père, Lord Snowdon, pour avoir réalisé une bonne affaire en cédant l'Aston Martin que ce dernier lui avait donnée. Il y a quelques années, David Linley avait défrayé la chronique en déclarant : "Je veux être encore plus riche."Chez Christie's, on ne s'inquiète pas de toutes ces histoires. L'adjudicateur londonien, propriété de l'industriel français François Pinault, a démenti l'information publiée dans le Daily Mail selon laquelle l'ex- époux de Margaret aurait écrit pour s'inquiéter de la mise aux enchères de plusieurs cadeaux qu'il lui avait offerts avant son divorce, en 1978.Pour décrocher cette collection prestigieuse, la maison de ventes n'a pas eu à utiliser, comme à son habitude, des gens du monde bien introduits afin de souffler l'affaire à son rival de toujours, Sotheby's. Depuis l'an dernier, le vicomte Linley siège au conseil d'administration de Christie's, dont il est l'ambassadeur itinérant. Noblesse oblige.
