Attentat Les attentats de Delhi n'empêchent pas le dialogue indo-pakistanais Quarante-huit heures après les sanglants attentats contre deux marchés de New Delhi et un autobus qui ont fait 61 morts et 188 blessés, les autorités indiennes se refusent à accuser qui que ce soit. "Nous avons beaucoup d'informations, mais il est prématuré de les dévoiler" , a affirmé le ministre de l'intérieur, Shivraj Patel, à l'issue d'une réunion d'urgence du cabinet, dimanche 30 octobre. A Srinagar, capitale d'été du Cachemire indien, un homme affirmant se nommer Ahmed Yaar Ghaznavi a cependant revendiqué auprès de l'agence Kashmir News Service les trois attentats au nom d'un groupe peu connu, Islamic Inquilab Mahaz (Front du soulèvement islamique). Selon un haut responsable de la police, Karnail Singh, ce groupe créé en 1996 n'a jamais été très actif, mais il a des liens avec le Lashkar-e-Taiba. Ahmed Yaar Ghaznavi aurait souligné que les attaques visaient à contrer les affirmations des forces de sécurité indiennes sur l'anéantissement des militants séparatistes grâce aux opérations militaires et au tremblement de terre au Cachemire. "De telles attaques se poursuivront jusqu'à ce que l'Inde retire ses troupes du Cachemire et y cesse ses activités inhumaines" , aurait-il ajouté. Cette revendication est pour l'instant impossible à vérifier et doit donc être prise avec prudence. Dirigé par Hafez Saeed, le Lashkar-e-Taiba a son siège à Muridke, une ville du Pakistan à une quarantaine de kilomètres de Lahore (capitale du Pendjab). Ce mouvement extrémiste islamiste prêche le djihad universel en faveur de la défense des musulmans. Interdit dans le pays, le mouvement a pris le nom de Jamat ud Dawaa et ses fidèles sont très actifs dans les opérations de secours aux victimes du séisme du 8 octobre. Les enquêteurs interrogeaient, dimanche à New Delhi, une vingtaine de personnes arrêtées lors de raids dans des petits hôtels de la capitale. Les policiers s'intéressent en particulier à un homme d'une vingtaine d'années qui avait quitté le bus ayant explosé dans le quartier de Govindpuri, à New Delhi, en laissant derrière lui un grand sac noir. Alertés par la présence de ce bagage, le chauffeur et son assistant avaient eu le temps d'évacuer les occupants du bus et de jeter le sac dehors avant qu'il explose en les blessant tous les deux. UNE GRANDE BOULE DE FEU La police cherche aussi à déterminer le type d'explosifs utilisé puisque, selon des témoins, les déflagrations ont été suivies d'une grande boule de feu. La première explosion dans le quartier très populaire de Paharganj, près de la gare centrale, s'est produite en fin d'après-midi samedi (18 morts) et a été suivie quelques minutes plus tard d'une deuxième très puissante dans un autre marché fréquenté du sud de Delhi, Sarojini Nagar (43 morts). A quelques jours de Diwali (Festival des lumières et plus grande fête indienne qui sera célébré mardi) et de l'Aïd-el-Fitr (la fête musulmane de fin du ramadan, en milieu de semaine), les marchés de Paharganj et Sarojini Nagar étaient bondés. Le premier ministre indien, Manmohan Singh, a souligné que "les tentatives pour semer le chaos et perturber la paix ne seront tolérées à aucun prix. Le gouvernement est déterminé à faire pièce aux funestes desseins d'éléments terroristes" . Alors qu'une délégation indienne se trouvait à Islamabad pour négocier l'ouverture de la Ligne de contrôle (LOC) qui sépare les deux pays au Cachemire, le Pakistan a "fermement condamné les attentats terroristes de New Delhi qui ont provoqué la mort de nombreux innocents" . Le communiqué du ministère pakistanais des affaires étrangères a ajouté que "le peuple et le gouvernement pakistanais sont choqués par cet acte barbare et expriment leur vive sympathie aux familles des victimes" . Dans le contexte actuel d'un réchauffement des relations entre l'Inde et le Pakistan, on ne peut exclure que des groupes refusant une éventuelle paix entre les deux pays tentent de faire dérailler un processus encore fragile. Le premier ministre indien n'a jamais caché que des actes de terrorisme pourraient le contraindre à interrompre le rapprochement. Il est donc significatif que, cette fois, New Delhi n'ait pas immédiatement dénoncé le Pakistan. Même si le Lashkar-e-Taiba était impliqué dans cette vague d'explosions, cela ne signifierait pas obligatoirement qu'Islamabad ait été au courant. Les groupes extrémistes pakistanais ont des liens directs avec des fidèles d'Al-Qaida et l'Inde figure dans les ennemis potentiels de l'organisation. Ces attentats surviennent un peu plus de deux semaines après que l'ambassade des Etats-Unis à New Delhi eut mis en garde ses ressortissants contre une "possible menace" d'attentats, y compris des opérations-suicides contre les intérêts américains en Inde. Les groupes armés cachemiris qui mènent la lutte contre l'Inde visent habituellement des cibles officielles ou des soldats basés au Cachemire ; en règle générale, ils ne s'attaquent pas aux civils. A l'inverse, les actions terroristes du 29 octobre cherchaient à causer le maximum de victimes civiles, compte tenu des lieux et des heures choisis. Le fait que les récents attentats similaires deux voitures piégées à Bombay en 2003 aient été attribués à un "groupe de vengeance des musulmans du Gujarat" rappelle que la prudence reste de mise.