Annonce Les artistes invitent la prison dans la présidentielle La prison est rarement un sujet porteur lors d'une campagne présidentielle. Fondateur de l'Observatoire international des prisons, Bernard Bolze a décidé de lancer une campagne festive et politique sur la question de la surpopulation carcérale, en y associant des artistes qui connaissent l'univers carcéral pour y avoir donné des concerts, des spectacles, etc. L'association Trop c'est trop a été fondée au début de l'année, avec l'objectif de créer des événements ponctuels pour attirer l'attention du public - et des candidats à la présidentielle. Mardi 17 octobre, une soirée était organisée sur la pelouse de Reuilly, à Paris, avec le saxophoniste Louis Sclavis, le chanteur André Minvielle, le jongleur Jérôme Thomas, les Artsauts, ainsi que Dominique Voynet, candidate des Verts à la présidentielle, le député Etienne Pinte (UMP), un magistrat, une ancienne directrice de prison, etc. "C'est comme un passage de relais. Chacun a appris quelque chose et aura envie de le faire partager", a lancé Louis Sclavis à l'issue des débats. Autre initiative, un ouvrage collectif va sortir chez Actes Sud, au mois de novembre : Neuf mètres carrés, recueil de neuf nouvelles (signées notamment par Marie Desplechin, Nancy Huston ou Florence Aubenas...) et de neuf dessins et photographies (réalisés par Depardon, Jane Evelyn-Atwood, Cabu, Jacques Tardi...) sur le thème de la promiscuité en prison. Le texte de Nancy Huston lui a été inspiré par Hélène Castel, ancienne sympathisante d'Action directe qui s'était réfugiée au Mexique, avant d'être interpellée et rapatriée en France. La romancière l'a rencontrée à l'occasion des ateliers d'écriture qu'elle anime à la prison de Fleury-Mérogis (Essonne). "Hélène m'a décrit les conditions de vie dans une cellule française, et dans une mexicaine...", raconte l'écrivain. UNE PLACE SUFFISANTE Jane Evelyn-Atwood, qui a passé près de dix ans à faire du reportage dans des prisons de femmes, a donné une photographie extraite de son album Trop de peines. Femmes en prison (Albin Michel, 200 p., 42,70 €). Le cliché laisse deviner les corps de quatre détenues endormies sur leurs lits superposés. Bernard Bolze n'a pas oublié les festivals. Aux Eurockéennes de Belfort, le dessinateur Luz a réalisé des flyers où l'on voit des chanteurs derrière les barreaux - Philippe Katerine, Dionysos et même Noir Désir, clin d'oeil à la détention de Bertrand Cantat. "J'ai voulu déplomber le sujet en cherchant un truc plus drôle que pertinent. C'était une façon ludique et détournée d'aborder le sujet avec les gens", explique Luz, dans les locaux de Charlie Hebdo. La surpopulation carcérale est une question complexe. Au 1er février, le nombre de détenus s'élevait à 60 634, pour un nombre de places disponibles de 51 142. Les maisons d'arrêt, où sont purgées de courtes peines, sont particulièrement surchargées. Alors que la loi prévoit qu'une cellule de moins de 11 m2 correspond à une place, il n'est pas rare que trois ou quatre détenus y cohabitent. Bernard Bolze défend l'idée qu'une place suffisante doit être accordée à chaque détenu. Ce slogan "une place, une personne" lui a valu des critiques. Ne fait-il pas le jeu de la politique actuelle qui consiste à construire toujours plus de prisons ? Trop c'est trop réclame, au contraire, "un moratoire sur l'extension du parc pénitentiaire", la dépénalisation de certains délits, comme le fait de "faciliter le séjour irrégulier d'un étranger en France", le recours à des mesures alternatives à la détention. Bernard Bolze renvoie aux travaux du directeur de recherche au CNRS Pierre-Victor Tournier, lequel a adressé aux élus soixante-dix-sept propositions dans la perspective de l'élection. Autre interrogation : un juge peut-il renoncer à placer une personne en détention et laisser en liberté un individu peut-être dangereux, au motif qu'une prison est surpeuplée ? Le Syndicat de la magistrature et les Verts participent aussi aux travaux de Trop c'est trop, ainsi que des élus, à titre personnel, comme le socialiste Dominique Strauss-Kahn... "Entrer en prison, c'est apprendre à y retourner", a déclaré M. Strauss-Kahn au Monde. Dans son livre intitulé 365 Jours (Grasset, 2006), le candidat à la candidature au PS propose de limiter "au strict nécessaire la détention provisoire" et de développer diverses alternatives à l'enfermement. "La réponse à la surpopulation carcérale ne réside pas dans la construction de nouvelles prisons. Il faut changer de politique pénale", confirme François Bayrou, candidat de l'UDF. Reste à savoir si ces déclarations passeront le "mur" de la campagne.