Vote Les Algériens votent par référendum sur la fin de la guerre civile Etes-vous d'accord sur le projet de charte pour la paix et la réconciliation nationale qui vous est proposé ?" A cette question, les Algériens sont appelés à répondre par "oui" ou par "non", jeudi 29 septembre. Rares sont ceux qui ont lu dans le détail cette charte présidentielle soumise à l'assentiment populaire. Il s'agit d'un cadre général qui devrait permettre au président Bouteflika de prendre une série de mesures, par le biais de lois ou de décrets, pour "faire cesser l'effusion de sang" en Algérie, selon sa définition.Treize années de guerre civile - 12 janvier 1992 : le second tour des élections législatives est annulé par l'armée. Le Front islamique du salut (FIS), qui avait remporté en décembre 1991 une large victoire au premier tour des législatives, est dépossédé de sa victoire.- 14 janvier : création du Haut Comité d'Etat (HCE), présidé par Mohammed Boudiaf, qui instaure l'état d'urgence en février.- 4 mars : dissolution du FIS. La violence s'amplifie.- 29 juin : assassinat du président Boudiaf.- 15 juillet : le président du FIS, Abassi Madani, et le vice-président Ali Belhadj, emprisonnés depuis 1991, sont condamnés à 12 ans de prison.- 30 janvier 1994 : Liamine Zéroual, désigné par le HCE, devient chef de l'Etat.- 30 janvier 1995 : attentat à la voiture piégée devant le commissariat central d'Alger : 42 morts, 286 blessés.- Janvier-juillet 1997 : plusieurs massacres collectifs sont perpétrés contre des civils aux portes d'Alger et dans l'ouest du pays, dont certains sont revendiqués par les GIA.- 15 avril 1999 : victoire contestée par l'opposition d'Abdelaziz Bouteflika à l'élection présidentielle.- 6 juin : l'Armée islamique du salut (AIS, branche armée du FIS), en trêve depuis octobre 1997, dépose les armes.- 13 juillet : promulgation de la loi sur la "concorde civile", prévoyant une amnistie partielle des islamistes armés. Elle est approuvée le 16 septembre par référendum (98,63 %).- 13 janvier 2000 : fin du délai accordé aux groupes islamistes armés pour se rendre. Les GIA et le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) rejettent la proposition de M. Bouteflika.- 2002 : environ 1 400 personnes tuées dans les violences.- 2003 : recul de la violence avec moins de 250 morts, dû à l'affaiblissement et à l'atomisation des groupes armés.- 14 août 2005 : le chef de l'Etat annonce un référendum sur "un projet de charte pour la paix et la réconciliation nationale". [-] fermerVoilà plus d'une décennie que l'Algérie est en proie aux violences des groupes armés islamistes. Ces affrontements ont fait, de source officielle, 150 000 morts depuis 1992, ainsi que des milliers de blessés et de disparus. Bien qu'en nette régression ces cinq dernières années, les violences se poursuivent de façon sporadique on compte ainsi une cinquantaine de morts depuis le début de septembre et sont toutes imputées au Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC). Dernier des groupes armés encore en activité en Algérie, après l'éclatement et la disparition des Groupes islamiques armés (GIA), le GSPC entretient des liens avec le mouvement Al-Qaida d'Oussama Ben Laden, selon le pouvoir algérien.Le texte soumis à référendum, jeudi, propose "l'extinction des poursuites judiciaires" àl'encontre des combattants qui auraient déposé les armes ou s'apprêteraient à le faire, à l'exception de ceux "impliqués dans des massacres collectifs, des viols ou des attentats à l'explosif dans des lieux publics" . Il fait porter la responsabilité des événements au Front islamique de salut (FIS), dont il réitère l'interdiction sans le nommer. En ce qui concerne les atteintes aux droits de l'homme, le document disculpe les forces de sécurité algériennes, en premier lieu en matière de disparitions. Il déclare ainsi qu'il rejette "toute allégation visant à faire endosser par l'Etat la responsabilité d'un phénomène délibéré de disparition". PRÉOCCUPATIONS QUOTIDIENNESSur ce point, la charte présidentielle est en net retrait par rapport aux déclarations, l'année dernière, du président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme (CNCPPDH, officielle), Farouk Ksentini, qui avait admis publiquement que 6 146 personnes avaient disparu du fait des services de sécurité entre 1992 et 1998. Le projet précise toutefois que les ayants droit de cette " tragédie nationale" (victimes du terrorisme, familles des terroristes et familles des disparus) devraient obtenir "réparation" .Le président Bouteflika s'est engagé de tout son poids dans la campagne, espérant un oui massif qui conforterait son pouvoir. Sillonnant le pays en tous sens et animant des réunions chaque jour, il a martelé que "sans la paix, il ne peut y avoir de développement" . L'enjeu, pour lui, ne réside pas tant dans l'issue de la consultation le oui devrait l'emporter que dans le taux de participation. Traditionnellement, les Algériens votent peu, surtout dans les grandes villes. Et ces dernières semaines, ils paraissaient assez peu concernés par ce référendum, comme si les difficultés de la vie quotidienne (emploi, logement) l'emportaient sur le reste.Pour leur part, les partis de "l'Alliance présidentielle" le Front de libération nationale (FLN) dirigé par Abdelaziz Belkhadem, le Rassemblement national démocratique (RND) du chef du gouvernement Ahmed Ouyahia et le parti islamiste, le Mouvement de la société de la paix (MSP, agréé) du ministre Bouguerra Soltani ont mené une campagne active en faveur du oui, de même que le parti Al-Islah (islamiste, agréé) d'Abdallah Djaballah. Plus surprenant, ils ont été rejoints par le Parti des travailleurs (PT, trotskiste) de Louisa Hanoune."VERROUILLAGE"Du côté de l'opposition, le Front des forces socialistes (FFS), de Hocine Aït Ahmed, a appelé au boycottage de la consultation, de même que le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), de Saïd Sadi, et le petit parti Mouvement démocratique et social (MDS, communiste). Ces trois partis ont vivement dénoncé le "verrouillage" d'une campagne référendaire ne laissant aucune place pour les tenants du non, interdits d'expression à la radio et à la télévision. Pour M. Aït Ahmed, la charte "consacre l'impunité et l'amnésie" , tandis que, pour Saïd Sadi, elle annonce une "future Constitution par laquelle le chef de l'Etat veut s'introniser président à vie". Plusieurs organisations non gouvernementales internationales de défense des droits de l'homme ont, elles aussi, sévèrement critiqué la charte qui, soulignent-elles, ne comporte aucune obligation de vérité ni de justice.
