Annonce L'élection du prochain président de l'Autorité doit avoir lieu le 9 janvier.L'appel aux urnes de la nouvelle direction palestinienneC'est la première conférence de presse de Rawhi Fattouh. Le nouveau président par intérim de l'Autorité palestinienne descend trois marches à l'entrée de la Mouqata'a, son siège à Ramallah. Il sort un communiqué de sa poche qu'il lit d'une voix inaudible. A l'arrière, des chebab irrévérencieux se poussent du coude. «Mais qui c'est celui-là ?», s'exclame l'un d'eux à haute voix. «Chut, c'est le nouveau président !», le reprend un adulte. «Ce bouffon, le Président ? Allez, on s'arrache, on va voir le vrai.» Le petit groupe repart, keffieh autour du cou, vers la tombe de Yasser Arafat devant laquelle défilent des milliers de Palestiniens depuis samedi matin.Rawhi Fattouh, un notable inoffensif et inconnu du grand public, vient justement d'annoncer que l'élection du nouveau président doit avoir lieu le 9 janvier prochain, soit dans moins de soixante jours, comme le stipule la Loi fondamentale palestinienne. La campagne est censée s'ouvrir le 27 décembre et les candidatures doivent être déposées à compter du 20 novembre, pendant douze jours. Yasser Arafat à peine enterré, les grandes manoeuvres ont commencé. Côté israélien comme côté palestinien. Avec Israël, il s'agit d'un bras de fer. Dès la mort de Yasser Arafat, la direction palestinienne a fait de la tenue d'élections son unique credo, comprenant que la mort de son leader historique offrait une chance unique d'inverser le rapport de forces avec Israël. Des élections impliqueraient, comme le fait remarquer le ministre palestinien Saëb Erakat un «retrait des tanks israéliens qui occupent [nos] villes et villages».Polémique. Le gouvernement Sharon, qui a fait d'Arafat un épouvantail, «principal responsable du terrorisme», peut difficilement s'opposer à l'élection d'une nouvelle direction palestinienne qu'il appelait de ses voeux. La polémique s'est donc engagée sur les modalités du vote. Le gouvernement israélien, qui s'est réuni hier matin, a d'ores et déjà fait savoir qu'il était hors de question que les 200 000 Palestiniens de Jérusalem-Est puissent voter. «Nous demandons l'application de l'accord de 1995, avec le soutien des Etats-Unis, de l'Union européenne et de toute la communauté internationale», a rétorqué hier Saëb Erakat. En janvier 1996, les électeurs palestiniens de Jérusalem-Est avaient voté dans des bureaux de poste, maintenant la fiction d'un vote par correspondance. Un compromis que le gouvernement Sharon ne semble pas prêt à accepter. Les Palestiniens n'envisagent pas pour l'instant de report ou d'annulation des élections, se prévalant du soutien de George W. Bush qu'ils veulent prendre au mot lorsqu'il parle de démocratie au Proche-Orient.Opposant farouche. Côté palestinien, on assiste à une véritable course de vitesse pour le leadership. La succession de Yasser Arafat, qui dirigeait à la fois son parti, le Fatah, l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) et l'Autorité palestinienne, a été formellement réglée en faisant des numéros deux des numéros un : Mahmoud Abbas, (Abou Mazen) préside l'OLP, Farouk Kaddoumi le Fatah et Rawhi Fattouh l'Autorité. Mais ce compromis ne peut qu'être provisoire. Tout d'abord à cause de la personnalité effacée de Rawhi Fattouh : lors de la cérémonie protocolaire du Caire en hommage à Yasser Arafat, aucun chef d'Etat ou de gouvernement n'a pris la peine de le saluer, tant son visage n'est familier à personne. Deuxième problème : Farouk Kaddoumi n'a jamais mis les pieds dans les territoires palestiniens depuis les accords d'Oslo, dont il est un opposant farouche. Depuis son exil tunisien, il a gardé sa réputation de «pur» mais n'a pas de base locale.Du trio dirigeant, Mahmoud Abbas émerge donc comme le nouvel homme fort. Pour la première fois de son histoire, il a présidé hier le comité exécutif de l'OLP. Des sources internes au Fatah, dont le comité central s'est réuni hier, en font le candidat du parti à la présidentielle du 9 janvier 2005. Son profil de réformateur, apprécié des Occidentaux et d'Israël, est aussi son principal handicap auprès des activistes palestiniens et de la base radicale du Fatah qui l'accusent d'être un «traître» (lire page précédente).Prison à vie. Les tensions, déjà vives, pourraient rapidement dégénérer. Ces derniers ne jurent que par Marwan Barghouti. Le chef du Fatah pour la Cisjordanie est probablement l'homme le plus populaire de Cisjordanie ; il incarne la «jeune garde» face à la «vieille garde» d'Abou Mazen, accusée de corruption et impuissante à construire l'Etat palestinien. Mais il y a un hic : Marwan Barghouti a été condamné, l'année dernière, à cinq peines de prison à vie par un tribunal israélien. Israël a exclu hier qu'il puisse être candidat. «Rien, dans la Loi fondamentale, n'empêche que le Président soit un prisonnier politique», argumente Mohammed Hourani, un député proche de Marwan Barghouti. «Il n'est pas question que le comité central du Fatah choisisse le candidat du parti. Cette instance n'a pas été renouvelée depuis seize ans», renchérit Mohammed Abou Aïn, un autre proche. Et de menacer : «Nous tenons la rue, ils le savent.»
