Annonce Le triomphe électoral de l'opposition pakistanaise fragilise Pervez Musharraf Après de longs mois d'attente, les Pakistanais se sont exprimés et ont rejeté sans appel, lundi, le régime du président Pervez Musharraf. En fin de matinée, mardi 19 février, les partis d'opposition étaient en passe d'obtenir les deux tiers des sièges de l'Assemblée nationale, ce qui leur ouvre la voie d'un rétablissement de la Constitution et d'une annulation des ordonnances prises par le président pour assurer sa position après la levée de l'état d'urgence qu'il avait décrété le 3 novembre 2007. Les principaux partis Parti du peuple pakistanais (PPP) : formation politique de l'ancien premier ministre Benazir Bhutto, assassinée dans un attentat le 27 décembre 2007. Pakistan Muslim League-Nawaz (PML-N) : mouvement de l'ex-premier ministre Nawaz Sharif, évincé en 1999 par le coup d'Etat militaire du général Musharraf. Pakistan Muslim League-Qaïd E-Azam (PML-Q) : parti au pouvoir depuis 2002 et principal soutien du chef de l'Etat, Pervez Musharraf. Il est particulièrement présent dans le Pendjab. PML-Q parti de Karachi (sud) : petite formation traditionnellement alliée du chef de l'Etat, Pervez Musharraf. Muttahida Majlis-e-Amal (MMA) : alliance de partis fondamentalistes. [-] fermer L'état-major du parti présidentiel, la Pakistan Muslim League-Qaid E Azam (PML-Q), est décimé. Le parti va perdre à la fois le gouvernement fédéral et celui de la province du Pendjab, province la plus peuplée du pays, qui envoie plus de la moitié des députés au Parlement fédéral. L'ex-premier ministre renversé par le général Musharraf en octobre 1999, Nawaz Sharif, prend donc sa revanche. Son parti, la PML-N (comme Nawaz), enlève plus du tiers des 297 sièges de l'assemblée du Pendjab et arrive en seconde position à l'Assemblée nationale. Le Parti du peuple pakistanais (PPP), de l'ex-premier ministre Benazir Bhutto assassinée le 27 décembre 2007, arrive en tête au plan national et enlève, comme prévu, le maximum de ses sièges dans la province du Sind, qu'il devrait pouvoir diriger. Selon les résultats non officiels et pas encore définitifs diffusés par la chaîne de télévision privée Geo, sur 241 sièges comptés, le PPP en obtient 81, la PML-N 64 et la PML-Q seulement 37. Le vote portait sur 272 sièges, auxquels vont s'ajouter 60 sièges pour les femmes et 10 pour les minorités, sièges qui sont déterminés proportionnellement au résultat des partis. Les chiffres de la télévision d'Etat plaçaient en fin de matinée le PPP en tête avec 85 sièges, suivi par la PML-N, 64 sièges, loin devant la PML-Q (36 sièges) et son traditionnel allié le MQM (19 sièges). Les partis religieux, qui étaient divisés, certains ayant appelé au boycottage des urnes, subissent une sévère défaite. Alors qu'en 2002, grâce au soutien des autorités et à la marginalisation des partis traditionnels, ils avaient réalisé un score spectaculaire (45 sièges), ils disparaissent quasiment de la scène, prouvant une fois de plus que l'extrémisme est d'abord le produit de la militarisation du régime. Ils sont également battus dans la Province frontalière du Nord-Ouest, qu'ils ont dirigée de 2002 à 2007. Chef du Jamiat Ulema Islam (JUI), parti djihadiste proche des autorités, le maulana Fazl Ul-Rahman a perdu dans sa ville de Dera Ismaïl Khan. Le Parti national Awami (ANP, nationalistes pachtounes) et le PPP – qui n'a jamais caché son hostilité envers les extrémistes islamistes – sont en tête dans cette province frontalière de l'Afghanistan. TAUX DE PARTICIPATION CONFORME À CELUI DES DERNIÈRES ANNÉES Malgré la peur née des attentats à répétition et les doutes sur la régularité du scrutin, les Pakistanais ont voulu s'exprimer et le taux de participation – environ 40 % – est conforme à celui des dernières années. Le refus absolu de la perpétuation du règne Musharraf s'était manifesté avec beaucoup de vigueur lors du renvoi du président de la Cour suprême, Mohammad Iftikar Chaudhry, en mars 2007. Ce rejet explique sans doute cette participation tant, comme l'écrit dans le quotidien The News l'analyste Shafqat Mahmood, "cette élection a clairement été un référendum contre le président Musharraf et tout ce qu'il représente". La vague anti-Musharraf a balayé des personnalités établies et plus de dix ministres du dernier gouvernement ont perdu leur siège. Ancien vice-ministre de l'information et porte-parole de la PML-Q, Tariq Azim a été l'un des premiers à admettre une défaite célébrée par des chants et des danses dans les rues de Rawalpindi, siège de l'état-major de l'armée, où réside toujours le président Musharraf. "Nous félicitons Nawaz Sharif pour l'excellente performance de son parti et également Asif Ali Zardari", qui a pris les rênes du PPP après l'assassinat de son épouse Benazir Bhutto, a affirmé M. Azim. Ces résultats sont les pires que pouvait attendre M. Musharraf. "Quels que soient ceux qui gagneront les élections, en tant que président du Pakistan, je fonctionnerai avec eux de manière totalement harmonieuse", avait-il dit à la télévision publique après avoir voté. "Les querelles politiques font des dégâts au Pakistan et nous devrions œuvrer à une politique conciliante qui ferait du bien au pays. Je coopérerai", avait-il ajouté alors qu'il espérait toujours une victoire de son parti. Le vote a en quelque sorte renversé l'équation, le choix de la coopération appartenant désormais aux partis d'opposition