Annonce Le traitement du tsunami par les journaux fait débat en Suède Certains titres du royaume scandinave sont accusés d'avoir versé dans le sensationnalisme, au risque de traumatiser les enfants.Stockholm de notre correspondant"Personne n'a pu sauver Charlie." Sous ce gros titre, qui barre une page d'Aftonbladet, le quotidien le plus lu des Suédois, une grande photo d'un garçonnet âgé de 2 ans fixant l'objectif de ses yeux bleus. "Le fils a disparu. Sa famille a abandonné tout espoir", proclame le journal populaire en sous-titre. C'est en particulier contre ce genre de présentation d'un drame familial, survenu durant la catastrophe provoquée par le tsunami en Asie, que s'élève Lena Nyberg, la médiatrice chargée de protéger les droits et les images des enfants dans le royaume scandinave."Les enfants ayant survécu à ces événements terribles sont déjà tellement traumatisés que toute exposition démesurée dans les médias ne peut qu'aggraver leur situation", affirme-t-elle au Monde. En outre, insiste Mme Nyberg, le rappel obsédant des malheurs endurés par des centaines de milliers de personnes prises dans la tourmente asiatique ne peut avoir qu'un effet nuisible sur les nombreux enfants qui, bien que n'ayant pas vécu le drame sur place, en ont suivi le déroulement dans les médias. C'est plus particulièrement le cas lorsque ces derniers évoquent le sort de familles suédoises, puisqu'il est plus facile de s'identifier à elles.Cinquante-deux ressortissants du royaume ont péri dans cette catastrophe et 637 autres étaient encore portés disparus, mercredi 12 janvier. "La situation est si terrible que ce n'est pas la peine d'en rajouter avec des titres grandiloquents et d'immenses photos", estime la médiatrice.Au journal Aftonbladet, on se défend d'avoir versé dans le sensationnalisme. "Toutes les photos que nous avons publiées l'ont été à la demande ou avec permission expresse des familles concernées ou de leurs proches. Par ailleurs, nous avons contrôlé les informations que l'on nous transmettait sur telle ou telle personne", assure Sigge Ennart, responsable du site Web du quotidien.En dépit de la multitude d'images de corps abandonnés et de blessés, un nombre limité de plaintes a été déposé auprès des instances de contrôle des médias suédois, contrairement à ce qui s'était passé après le naufrage du ferry Estonia, en 1994, qui avait fait 852 morts en mer Baltique (dont 551 Suédois).Dans l'ensemble, la population du royaume considère que la radio et la télévision ont proposé une couverture satisfaisante du tsunami, selon un sondage qui n'a pas porté sur la presse écrite. Toutefois, d'après Mme Nyberg, un nombre significatif de personnes ont contacté son bureau pour se plaindre du travail des médias. Elle se montre beaucoup plus critique vis-à-vis de la presse populaire que de la télévision, dont elle considère le travail honorable, en dépit de quelques écarts.En Norvège, deux publications ont publié des excuses pour des dérapages rédactionnels. Quant à la direction de l'hebdomadaire people danois Se og Hoer, elle a décidé de retirer de la vente quelque 200 000 exemplaires du magazine sorti en fin de semaine dernière : la photo de "une", qui montrait des cadavres gonflés retrouvés après le tsunami, a suscité de nombreuses réactions hostiles.Dans toute la Scandinavie, et en particulier en Suède, la plus touchée par la catastrophe, la presse populaire est sortie de son rôle traditionnel d'observatrice. Elle s'est faite l'intermédiaire actif entre les proches des disparus, restés en Suède, et les milliers de rescapés, susceptibles d'avoir des informations sur les personnes manquantes. Les sites des journaux, notamment, ont ainsi publié des dizaines de photos de disparus, accompagnées de numéros de téléphone de membres de leur famille. Pour gérer et contrôler ce flux d'avis de recherche, les rédactions ont improvisé des permanences spéciales."De manière plus générale, estime M. Ennart, je crois que les journaux de demain seront davantage faits par les lecteurs eux-mêmes. Ils y contribueront avec leurs récits et leurs photos. Il reviendra aux journalistes professionnels de trier et de juger ce qui pourra être publié."
