Élection Le socialiste Gyurcsany rempile en Hongrie Blairiste convaincu, le Premier ministre reconduit hier doit s'attaquer au déficit. La coalition de centre gauche a remporté une victoire historique à l'issue du second tour des législatives, dimanche. Elle est ainsi devenue le premier gouvernement hongrois à décrocher un second mandat depuis la chute du communisme en 1989, consolidant même sa majorité au Parlement. Il s'agit d'une victoire personnelle du Premier ministre socialiste, Ferenc Gyurcsany, propulsé en 2004 à la tête d'un gouvernement alors au plus bas dans les sondages. Réussite. Le Parti socialiste et son petit allié libéral, les Démocrates libres, ont obtenu 210 mandats contre 198 dans la précédente législature sur un total de 386 sièges au Parlement. Ils bénéficieront en outre du soutien d'un élu indépendant. Les conservateurs du Fidesz, emmenés par l'ex-Premier ministre Victor Orban, qui était au pouvoir de 1998 à 2002 et rêvait de le recouvrer, essuient une défaite cuisante avec 164 élus. Le Forum démocratique (droite), qui a refusé de faire alliance avec eux, obtient onze sièges. Le charismatique Ferenc Gyurcsany, 44 ans, peut ainsi se targuer d'avoir sauvé les socialistes d'un déclin qui semblait inexorable. Ancien patron des Komsomols (les jeunesses communistes) sous l'ancien régime, il a fait fortune dans l'immobilier, aidé par son réseau de relations, durant la transition des années 90. Décomplexé, anglophone parfait et amateur de rock, il se veut moderne et symbolique de la réussite à laquelle chaque Hongrois devrait aspirer. Durant la campagne, il a tenu un blog très suivi par les internautes. Blairiste affiché, il est partisan d'une troisième voie où les injustices d'une économie de marché sont corrigées par des mesures sociales. A l'approche des élections, il s'est gardé de réformes brutales, préférant augmenter les salaires du corps médical et les retraites plutôt que de s'attaquer à une bureaucratie envahissante ou au déficit de la Sécurité sociale. Réformes. Il va maintenant être confronté à des choix difficiles. La Hongrie, membre de l'Union européenne depuis le 1er mai 2004, accuse le plus lourd déficit budgétaire des Vingt-Cinq (6,1 % du PIB), ce qui repousse la perspective de son entrée dans la zone euro. Officiellement prévu à 4,7 % en 2006, il pourrait déraper et avoisiner les 8 %. D'après les spécialistes, faute de s'y attaquer au plus vite, le pays risque une crise financière. «L'important n'est pas de savoir ce que la Hongrie peut faire pour vous, mais ce que nous pouvons donner à la nation», a lancé Gyurcsany devant les militants à l'annonce de la victoire, paraphrasant le président John Fitzgerald Kennedy. Sans préciser davantage, il a annoncé hier «une période de réformes, la plus intense depuis la transition». Durant la campagne, il avait évoqué la nécessité de réformer le secteur public, notamment la santé, et de réduire drastiquement les effectifs de l'administration. «Ceux qui unissent leurs forces gagnent, les perdants sont ceux qui ne sont pas capables de coopérer», a commenté, quelque peu amer, Victor Orban, 42 ans. Le leader du Fidesz, qui subit son deuxième échec électoral consécutif, a en partie imputé la défaite au refus du Forum démocratique de conclure une alliance. Grand perdant du scrutin, il a proposé de démissionner de la présidence du parti : «Je prends la pleine responsabilité pour toutes les erreurs.» L'ancien dissident libéral, qui avait réclamé le départ des troupes soviétiques en 1989, se remettra difficilement de cet échec. Pour gagner, il avait fait le pari qu'il lui fallait progresser dans les milieux populaires, notamment dans les campagnes. Avec des accents populistes, il s'attaquait à l'Europe qui profite de la Hongrie, à la mondialisation qui enfonce les entrepreneurs magyars, aux privatisations des socialistes, au capital étranger... Des erreurs dont Gyurcsany a largement bénéficié.