Annonce Le réseau islamiste "Hofstad" était solidement ancré en Europe La justice néerlandaise progresse dans la reconstitution des ramifications du groupe lié à l'assassinat du cinéaste Theo Van Gogh, en novembre, et aux attentats de Casablanca (2003) et de Madrid. Outre le meurtrier, quatre figures émergent, dont trois au moins sont sous les verrous.Amsterdam de notre envoyé spécialLes autorités judiciaires néerlandaises ne comptent pas sur Mohammed Bouyeri, l'homme qui, le 2 novembre, a assassiné Theo Van Gogh - le cinéaste et chroniqueur controversé qui avait formulé de vives critiques à l'encontre de l'islam et de la société multiculturelle - pour faire progresser leur enquête sur la cellule islamiste responsable de cette action. Hospitalisé, le jeune Néerlando-Marocain refuse de répondre aux questions des enquêteurs. Cela n'empêche pas la justice d'Amsterdam de remonter, petit à petit, les fils d'un réseau qui pourrait devenir un exemple type des filières islamistes en Europe.Le groupe Hofstad (du nom du quartier d'Amsterdam où ont eu lieu les premières arrestations). Le groupe auquel appartenait Bouyeri était, ainsi que cela semble se confirmer, en relation avec des personnes mêlées aux attentats de Casablanca (45 morts, le 16 mai 2003) et de Madrid (191 morts, le 11 mars 2004). Il devait fournir une partie des troupes pour une action de grande ampleur, en juin dernier au Portugal, contre l'Euro de football - sans doute l'assassinat de personnalités, dont José Manuel Barroso, l'actuel président de la Commission européenne. Il devait également viser d'autres personnalités politiques aux Pays-Bas, dont Ayaan Hirsi Ali, une députée d'origine somalienne qui dénonce le sort réservé à la femme dans le monde musulman. L'un des membres présumés du groupe Hofstad, Samir Azzouz, arrêté en juin dernier, est, par ailleurs, soupçonné d'avoir élaboré des plans d'attentats contre le Parlement de La Haye, l'aéroport d'Amsterdam-Schiphol ou la centrale nucléaire de Borssele.L'enquête sur l'assassin de Theo Van Gogh fait désormais intervenir une multitude de personnages mais deux des acteurs principaux du dossier intéressent beaucoup la justice, et notamment le juge antiterroriste espagnol Baltasar Garzon. Ils sont emprisonnés, l'un à Madrid, l'autre à Zürich.Abdeladim Akoudad. Il a été incarcéré le 16 novembre par le juge Garzon qui le considère comme le coordinateur du groupe Hofstad. Ce Marocain, lié au Groupe islamique combattant marocain (GICM), responsable des attentats de Madrid, était déjà enfermé en Espagne depuis octobre 2003. Rabat réclame son extradition, affirmant qu'il est impliqué dans les attentats de Casablanca.Abdeladim Akoudad nie toute relation avec le groupe implanté aux Pays-Bas. La police a toutefois retrouvé dans son agenda les numéros de téléphone codés de membres du groupe Hofstad, dont celui d'Ismaïl Aknikh, arrêté le 10 novembre à La Haye, à l'issue de 14 heures de siège de son appartement par la police. Ce jeune islamiste avait cherché à rendre visite à Akoudad en 2003, peu de temps avant son arrestation. La police belge, qui a déjà démantelé deux réseaux liés au GICM, pense également qu'Akoudad a implanté, ou coordonné, des cellules terroristes dans le royaume.Enfin, divers services européens alignent les impressionnantes connexions du suspect : avec Mohsen Khaybar, qui coordonnerait, depuis la Syrie, l'activité des djihadistes en Irak ; avec Salah Eddine Benia, l'un des chefs opérationnels d'Al-Qaida ; avec Moustapha Setmarian Nasar, un Syrien naturalisé sur lequel enquête la justice espagnole, qui le suspecte d'être l'un des idéologues des attentats du 11-Mars. Selon Madrid, Akoudad serait également en rapport avec Abou Moussab Al-Zarkaoui, le coordinateur des attentats en Irak.Mohammed Achraf. Il est l'autre figure centrale de l'enquête. Cet Algérien de 31 ans a été arrêté par hasard en Suisse, pour un vol de portable, en août. Les relevés d'écoutes ont montré qu'il était l'un des principaux contacts de Mohammed Bouyeri. Il était aussi le leader du groupe des Martyrs pour le Maroc, qui ambitionnait notamment de commettre un attentat-suicide contre l'Audience nationale, le principal tribunal pénal en Espagne, où travaillent le juge Garzon et son collègue Juan del Olmo, chargé des enquêtes sur les attentats du 11-Mars. Ce magistrat posséderait des indications sur les liens entre le commando responsable des attentats contre des trains et les Martyrs pour le Maroc."Abou Khaled". Un troisième personnage aurait joué un rôle clé dans le réseau dont différentes polices d'Europe tentent de tracer les contours. Il s'agit d'un Syrien à l'identité imprécise (Redouane Al-I...), se faisant appeler "Abou Khaled". Ce prédicateur qui se présente comme un géologue et un ancien membre de l'armée syrienne avait tenté d'obtenir l'asile politique en Allemagne, avant de s'installer clandestinement aux Pays-Bas. Lié au mouvement salafiste Takfir Wal Hijra, il est soupçonné d'avoir encouragé le glissement des membres de la cellule d'Hofstad vers l'extrémisme. Il aurait influencé Mohammed Bouyeri.Arrêté en 2003 par la police néerlandaise, le Syrien avait été relâché, faute de preuves d'une implication éventuelle dans un réseau terroriste. Bouyeri avait, lui aussi, été interrogé et remis en liberté. Aujourd'hui, "Abou Khaled" est recherché tant aux Pays-Bas qu'en Espagne, où l'on croit qu'il pourrait avoir des liens avec Al-Qaida.Jason Walters. Les autorités américaines se penchent sur la personnalité de ce fils d'un militaire noir américain et d'une mère néerlandaise, arrêté en novembre à La Haye lors d'un raid de la police contre une cache. Il n'hésita pas à jeter une grenade sur des policiers.Jason Walters semble avoir connu un parcours un peu similaire à celui de John Walker Lindh, le "taliban américain". Converti à l'islam avec son frère cadet, Jermaine, il a rapidement adopté des positions extrêmes. Il aurait voyagé au Pakistan, et en Afghanistan. Dans une lettre à sa mère, il la préparait à un attentat-suicide. Ayant de plus en plus peur de ses fils, la mère a appelé la police durant l'été 2004 avant de trouver asile dans un refuge avec ses deux filles.Mardi 7 décembre, les autorités judiciaires d'Amsterdam ont implicitement confirmé la difficulté de leur enquête. Elles ont indiqué que six personnes poursuivies pour leur appartenance présumée à la cellule terroriste Hofstad n'étaient, en revanche, plus soupçonnées de complicité de meurtre avec Bouyeri. Mais l'arrestation de ce dernier semble avoir déstabilisé un réseau bien implanté.
