Manifestation Le régime chinois a autorisé des manifestations antijaponaises pendant tout le week-endLes manifestations antijaponaises qui ont parfois dégénéré dans la violence à Pékin et dans plusieurs autres villes de Chine, samedi 9 et dimanche 10 avril, ont été marquées par une relative passivité policière dans un pays où toute protestation publique est soit instrumentalisée par le régime, soit sévèrement réprimée.A Pékin, samedi, les forces de l'ordre se sont surtout efforcées de canaliser la marche des manifestants venus du nord de la ville pour les empêcher, sans succès, de gagner les abords de l'ambassade du Japon. Aucune arrestation n'a apparemment eu lieu parmi une foule qui entendait marquer sa colère après la publication au Japon d'un manuel d'histoire minimisant la portée de l'invasion des armées du Mikado en Chine et, notamment, le massacre de Nankin en décembre 1937.Une vingtaine de milliers de Pékinois avaient commencé de défiler à partir du quartier des universités samedi matin. Dans la soirée, 5 000 marcheurs sont parvenus à se rassembler devant la représentation diplomatique nippone : alors que le défilé avait été généralement pacifique, plusieurs dizaines de jeunes Chinois se sont mis à jeter des pierres et des bouteilles d'eau sur la résidence de l'ambassadeur en criant : "Porcs japonais, sortez de là !" Environ 500 policiers casqués et munis de boucliers gardaient les portes de l'ambassade mais ne sont pas intervenus. Une vingtaine de vitres ont été cassées, une voiture de marque japonaise retournée et des drapeaux aux couleurs du Soleil-Levant brûlés et piétinés."La façon dont le Japon multiplie les provocations en refusant de regarder son passé en face est intolérable", remarquait Xiao Fu, une jeune réalisatrice de cinéma. "On ne peut pas pardonner au gouvernement japonais qui non seulement nous a fait souffrir, mais s'emploie à se donner bonne conscience dans ses livres d'histoire", ajoutait Wang Bo, un jeune manifestant.A Canton, dimanche, une vingtaine de milliers de personnes se sont rassemblées en ville. La moitié ont gagné le consulat général japonais où ils ont hurlé des slogans antinippons. A Shenzhen, près de Hongkong, une manifestation de semblable proportion a eu lieu aux abords d'un supermarché japonais. A Shanghaï, la veille, deux étudiants nippons ont été attaqués dans un restaurant.ORDRES "VENUS D'EN HAUT"A Pékin, l'ambassadeur japonais a protesté contre les violences de samedi devant sa résidence, et le vice-ministre chinois des affaires étrangères Qiao Zhonghuai a exprimé ses "regrets". En visite en Inde, le premier ministre Wen Jiabao a refusé de commenter ces incidents. A ses côtés, le ministre des affaires étrangères, Li Zhaoxing, s'est contenté d'estimer que "le Japon devrait tirer les leçons de l'Histoire".Ces dernières années, en Chine, les protestations de rue les plus importantes avaient suivi le bombardement américain de l'ambassade chinoise à Belgrade, en 1999 pendant la guerre dans les Balkans. Le régime a-t-il toléré, sinon encouragé, les présentes manifestations ? Il est sûr que la marche a été organisée par des activistes indépendants ayant lancé un mot d'ordre de rassemblement sur plusieurs sites Internet. Un professeur d'université, qui demande l'anonymat, remarque toutefois : "C'est assez bizarre que rien de plus n'ait été fait pour empêcher que les choses ne dégénèrent." Le même professeur expliquait cependant dimanche que des ordres "venus d'en haut" ont exigé des responsables de son université de "filtrer" les sorties des étudiants du campus dimanche.Le pouvoir pékinois a imposé à la presse une censure totale sur les événements. Sur les sites en ligne, à l'inverse, les internautes ont continué de se déchaîner. "Nous devons employer notre droit de veto pour empêcher le Japon d'entrer au Conseil -de sécurité de l'ONU-", prévient un internaute. Un site a dressé une longue liste des produits japonais à boycotter, de Sony à Minolta en passant par Hitachi ou Toshiba. "Parce que, à chaque fois qu'un Chinois achète un produit japonais d'une valeur de 100 yuans -10 euros-, on paie, entre autres, 15 yuans pour le salaire d'un Japonais, 8 pour soutenir la cause révisionniste nippone à propos de sa guerre d'invasion contre la Chine et 2 pour la liste civile de l'empereur du Japon !"
