Annonce Le réfugié italien a quitté la France pour éviter son extradition vers l'Italie.Arrivederci Battisti !Cesare Battisti a, selon nos informations, quitté la France. Au moins depuis le samedi 14 août, date de son dernier pointage au service du contrôle judiciaire à Paris. Plus sûrement depuis le début de la semaine dernière, lorsque ses amis français l'ont eu au téléphone pour la dernière fois. Depuis, d'ailleurs, son répondeur téléphonique est saturé et son message a changé. Une sorte d'adieu : «Cesare n'est pas disponible, mais il consulte le répondeur.» Où est-il ?«Légitime défense». S'il a réussi sa cavale, il est loin. Il a, en tout cas, échappé à la surveillance des policiers qui le suivaient en permanence. Cela faisait un moment aussi que la rumeur courait d'une possible fuite. Certains de ses amis l'y poussaient carrément. Tous ceux qui l'ont soutenu depuis son arrestation en février dernier, jusqu'à l'arrêt de la chambre de l'instruction le 30 juin qui a autorisé son extradition vers l'Italie pour quatre meurtres commis en 1979 comprennent sa décision. L'écrivain Fred Vargas qui a pris fait eu cause pour lui dans son livre la Vérité sur Cesare Battisti assure : «S'il a fui, et je ne peux que le supposer, il s'agit de légitime défense, j'ai été témoin de la dégradation de son état psychologique devant la violence de la campagne médiatique à son encontre.» Elle reprend les étapes. L'arrêt du 30 juin : «Il s'est senti massacré car la loi française ne fut pas appliquée, les juges ayant reconnu la légalité de la contumace italienne, jusqu'ici refusée.» L'espoir du pourvoi en cassation ? «Il n'en avait aucun. Il a compris que la séparation des pouvoirs n'existait plus, que Chirac et Berlusconi avaient décidé. Il devenait de plus en plus fragile. Il se disait qu'on allait l'envoyer en prison à perpétuité. Il clamait son innocence, on le décrivait comme un monstre, c'était autant de coups d'épée. L'illégalité est du côté du pouvoir et de la justice, alors il a le droit de défendre sa vie !»La chambre de l'instruction de Paris qui doit examiner le 30 août la révocation de son contrôle judiciaire le fera sans lui, et lancera sans doute à son encontre un mandat d'arrêt.Si, hier, la droite restait silencieuse, la gauche continue de soutenir le fugitif. «De toute manière, dit Julien Dray, porte-parole du PS, on l'a mis dans une situation impossible. On est en train de réécrire un drame, de jouer avec la vie des gens et de leur famille alors qu'une page avait été tournée. D'autre part, il est insupportable d'entendre Berlusconi donner des leçons sur la loi !» Les socialistes assument, encore aujourd'hui, la parole donnée par François Mitterrand, en 1985, aux Italiens poursuivis dans leur pays pour faits de terrorisme. Le chef de l'Etat leur avait alors promis la tranquillité en France, à condition qu'ils aient rompu avec toute forme de violence. Un pacte respecté par les gouvernements successifs, de droite comme de gauche, jusqu'au revirement de Raffarin. Un pacte respecté aussi par les réfugiés italiens, dont un peu plus d'une centaine avaient trouvé refuge en France. Battisti, lui, vivait à Paris depuis 1990, et y avait comme les autres fondé une famille. En 1991, la cour d'appel de Paris avait refusé son extradition. Entre autres motifs, parce qu'il ne serait pas rejugé en Italie, où les condamnés par contumace n'ont pas droit à un nouveau procès, contrairement au droit français.«Gâchis». Nicole Borvo, sénatrice communiste, condamne elle aussi l'attitude du gouvernement : «C'est un énorme gâchis, il était dans un piège, puisqu'aucun nouveau procès n'était possible en Italie. On n'en serait pas là, si les autorités avaient eu une attitude correcte, en respectant la parole de l'Etat.» Pénélope Komitès, maire adjointe verte de Paris, espère que «le gouvernement ne profitera pas de cette disparition, quelles qu'en soient les raisons, pour lancer la traque contre d'autres réfugiés». Et Oreste Scalzone, l'un des plus anciens «réfugiés», raconte : «Il allait très mal, était très déprimé, mais cela n'est pas incompatible avec un réflexe vital. S'il a fui, il a choisi la vie et j'en suis content, soulagé même !»
