Démission Le rédacteur en chef des "Izvestia" a été contraint à la démission La couverture de la prise d'otages de Beslan aura coûté son poste au rédacteur en chef des Izvestia, Raf Chakirov, qui a démissionné, lundi 6 septembre, à la suite d'un "désaccord" avec sa société éditrice, ProfMédia, propriété du magnat Vladimir Potanine. "Nous n'étions pas d'accord sur le contenu du numéro de samedi - 4 septembre -", a expliqué le journaliste sur les ondes de Radio Svoboda. La direction de ProfMedia a trouvé que le numéro de samedi, au lendemain du dénouement tragique de la prises d'otages, était "trop émotionnel", "pas en phase" avec la ligne du quotidien russe. Ce jour-là, le journal avait publié en première page une grande photographie et, dans ses pages intérieures, de nombreux articles et reportages sur le sujet.Un commentaire, extrêmement critique, sortait du lot, celui de la journaliste Irina Petrovskaïa qui reprochait aux grandes chaînes de télévision nationales - Pervy Kanal et Rossia -, contrôlées par le pouvoir, la faiblesse de leur couverture de la prise d'otages. Au moment de l'assaut final sur l'école, vendredi à 13 heures (heure locale), alors que CNN, la BBC et Euronews, interrompant leurs programmes, s'étaient mises à retransmettre en direct des images de Beslan, les deux chaînes publiques russes continuaient à diffuser l'une un film, l'autre un documentaire. A 14 heures, Pervy Kanal consacra dix minutes à l'événement. "Ensuite, comme si de rien n'était, la programmation ordinaire du feuilleton Femmes en amour a repris", reprochent les Izvestia.La chaîne Rossia, pour sa part, consacra une heure au direct depuis Beslan, puis repris le cours normal de ses programmes avec la diffusion du feuilleton d'espionnage La Chapelle rouge. "J'imagine les directeurs des chaînes d'Etat, un œil sur CNN, tenus au fait par leurs envoyés spéciaux, en train d'appeler leurs supérieurs : "Faut-il montrer ou ne pas montrer ?"", écrit Irina Petrovskaïa. "Si le pouvoir a appris quelque chose après le Nord Ost -prise d'otages au Théâtre de la Doubrovka du 23 au 26 octobre 2002 à Moscou-, c'est bien de restreindre les journalistes en les tenant à l'écart de l'aire événementielle", poursuit-elle.A l'époque, la télévision NTV, propriété du groupe Gazprom et considérée comme plus indépendante que les chaînes publiques, s'était retrouvée sous le feux des critiques du Kremlin pour sa couverture de l'opération des forces spéciales. Ses journalistes s'étaient vus accusés d'avoir divulgué des informations sensibles, mettant ainsi en péril l'opération dite "de sauvetage" qui a coûté la vie à 130 personnes, décédées après avoir inhalé un gaz toxique utilisé par les forces d'intervention.Cette fois-ci, NTV commença dès 13 heures à retransmettre des images de Beslan, mais, lorsque les premières explosions retentirent, le direct a été coupé. Quand la retransmission a repris, un peu plus tard, l'envoyé spécial de la chaîne, Vadim Fefilov, a pris bien soin de préciser qu'il ne pouvait pas "commenter les actions des militaires". "La seule façon de comprendre ce qui était en train de se passer était d'écouter la radio Echo de Moscou ou d'aller sur Internet. Nos médias ont été incapables de remplir leur fonction", a fait remarquer Oleg Panfilov, qui dirige un observatoire de la presse en Russie.Et Irina Petrovskaïa de conclure : "Pour finir, nous pleurerons tous un petit coup et puis nous continuerons à vivre, dans une atmosphère de règlement pacifique, de stabilisation et de soutien unanime de la population à la politique du parti - pardon ! de l'Etat. Jusqu'au prochain attentat !".
