Scandale Le quotidien "Rzeczpospolita" dénonce les "mensonges inacceptables" de la presse occidentale Au moment où chefs d'Etat et de gouvernement participent à Auschwitz à l'anniversaire de la libération des camps, journaux et télévisions polonais reviennent peu sur des événements qu'ils estiment avoir suffisamment célébrés. Varsovie de notre correspondant Le débat sur les cérémonies du 60e anniversaire de la libération, le 27 janvier 1945, du camp d'extermination d'Auschwitz-Birkenau est entré par la fenêtre dans les médias polonais, avant la date prévue. Un projet de résolution au Parlement européen condamnant "l'antisémitisme, le racisme et la xénophobie", d'une part, et des articles sur Auschwitz parus dans des médias étrangers, d'autre part, ont bouleversé le calendrier éditorial. La plupart des quotidiens et des télévisions prévoyaient en effet une couverture de l'événement concentrée autour du jour des cérémonies. Ainsi, les deux premières chaînes nationales publiques, TVP1 et TVP2, auront consacré une vingtaine d'heures à ce sujet dans la semaine précédant les célébrations. La moitié de ce temps pour la seule journée du jeudi 27 janvier, jour des cérémonies officielles en présence d'une cinquantaine de chefs d'Etat et de gouvernement à Auschwitz, quand s'enchaîneront retransmissions en direct, débats, fictions et documentaires. Les chaînes de télévision privées ignoreront, quant à elle, le sujet. Et les hebdomadaires ont assuré jusqu'à ce jour un service minimum avec, essentiellement, la publication de points de vue d'historiens. Le quotidien de centre droit Rzeczpospolita annonce certes la publication d'un supplément, mais en réalité le sujet est loin d'envahir les colonnes des journaux polonais, à la différence de la presse étrangère. Il ne faudrait pas y voir une volonté de nier l'événement. "Mais la couverture est sans doute insuffisante, admet Bronislaw Wildstein, éditorialiste à Rzeczpospolita. On a publié tant de chose au cours de ces quinze dernières années, célébré tant d'anniversaires relatifs à la seconde guerre mondiale et à l'Holocauste que l'on a le sentiment erroné que l'on a tout dit sur le sujet." Chacun concède que le débat historique en Pologne est loin d'être clos, mais la célébration de l'événement qu'a été la libération du plus grand des camps d'extermination par l'armée rouge intervient sans doute à un moment où les Polonais ressentent le besoin de souffler. Les changements démocratiques qui ont eu lieu ces dernières années dans le pays ont en effet provoqué un déferlement de publications et autant d'examens de conscience, après que la chape de plomb communiste qui recouvrait l'historiographie polonaise fut levée en 1989. Un tournant radical et douloureux fut négocié en 2000 avec le livre Les Voisins, écrit par l'universitaire américain Jan Gross, dans lequel il relatait le pogrom de quelque 1 600 juifs par leurs voisins polonais dans le village de Jedwabne. "Vous n'imaginez pas les débats que cela provoqua", se rappelle Konstanty Gebert, éditorialiste au principal quotidien polonais Gazeta Wyborcza. Le président polonais, Aleksander Kwasniewski, demanda pardon pour ce massacre au nom de ses concitoyens, et l'Eglise catholique célébra des messes expiatoires. "PORTER PLAINTE" Cet ouvrage provoqua un véritable séisme, à la hauteur de l'émotivité polonaise sur ce sujet. Une émotion extrême qui remonte aujourd'hui à la surface en marge des célébrations, à chaque fois que le stéréotype d'une Pologne antisémite est soupçonné de montrer le bout de son nez dans les discours ou les publications étrangères. Ainsi, mardi 25 janvier, Rzeczpospolita dénonçait, en première page, "les mensonges inacceptables" que l'on retrouve, selon le quotidien, "de plus en plus souvent dans les médias occidentaux, y compris en Allemagne". Le journal s'insurge précisément contre l'utilisation d'expressions telles que "les camps d'extermination polonais", en référence aux camps établis par les nazis sur le sol polonais. La formulation laisserait entendre que ce pays porte une lourde responsabilité dans la Shoah. Le journal estime que "la solution est de porter plainte devant les tribunaux", démarche soutenue par le ministre des affaires étrangères, Adam Rotfeld. De la même manière, les journaux polonais accordent une large place aux controverses nées de la rédaction de la résolution que le Parlement européen doit adopter jeudi 27 janvier. Ils soutiennent dans leur ensemble le mouvement d'humeur déjà manifesté par les députés polonais au Parlement européen. Vendredi 21 janvier, ils ont claqué la porte lors de la séance de travail parlementaire pour protester contre la formulation initiale du texte, comprenant l'expression les "camps d'extermination en Pologne" sans qu'il soit fait référence à l'Allemagne. Le quotidien Rzeczpospolita concède que le moment d'une "confrontation germano-polonaise est mal choisi, (...) mais qu'il serait préférable de dire que la responsabilité incombe à l'Allemagne hitlérienne". L'article explique qu'il y a vingt ans les Allemands se sentaient responsables du cauchemar de la deuxième guerre mondiale, mais qu'aujourd'hui "ils estiment que leurs excuses passées suffisent. C'est dangereux, (...) même si l'on ne peut pas demander que l'on pointe éternellement du doigt les fautes de ses aïeuls." Christophe Châtelot 3,7 millions de téléspectateurs pour "Shoah" Grâce à la diffusion, lundi 24 janvier, pour la première fois en continu et en intégralité de Shoah, le film de Claude Lanzmann, France 3 a réalisé la deuxième meilleure audience de la soirée. De 20 h 55 à près de 23 h 30, la chaîne publique a rassemblé 3,7 millions de téléspectateurs, soit 18 % de part d'audience. France 3 a devancé le téléfilm de France 2 Etat d'alerte, qui n'a attiré que 3,3 % millions de téléspectateurs, soit 13,7 % de part d'audience, et Malice, le film de M6, qui a lui aussi réuni 3,3 millions de téléspectateurs et 14 % de part d'audience. Lundi soir, Arte qui diffusait le téléfilm Holocauste, a attiré 1,7 million de téléspectateurs, soit 7,6 % de part d'audience. TF1 s'est placée en tête des audiences, lundi, avec un nouvel épisode de la série Alice Nevers : Le juge est une femme, qui a réuni 8,7 millions de fidèles et 36,7 % de part d'audience. Shoah a aussi été apprécié du jeune public. Le film de Claude Lanzmann a rassemblé 15,2 % de part d'audience auprès des 15-24 ans et 13,6 % de part d'audience auprès des 25-34 ans.