Procès Le procès des marchés publics d'Ile-de-France s'ouvre lundi PARIS - L'un des plus importants procès de corruption politique jamais organisé en France s'ouvre lundi devant le tribunal correctionnel de Paris, où comparaissent 47 prévenus, dont plusieurs proches de Jacques Chirac. Les débats, qui se prolongeront jusqu'au 6 juillet, porteront sur les sommes qui auraient été versées par des entreprises de bâtiment et de travaux publics au RPR, au PS et au Parti républicain (PR) entre 1989 et 1995 pour obtenir des marchés de construction de lycées en Ile-de-France. Le RPR, parti fondé et présidé par Jacques Chirac de 1976 à 1995, est soupçonné d'avoir joué le rôle principal de collecte et de répartition de sommes gigantesques - près de 70 millions d'euros pour 3,57 milliards d'euros investis par le Conseil régional sur la période 1989-1995. Michel Roussin, 65 ans, chef de cabinet de Jacques Chirac à la mairie de Paris (1984-1986), puis à Matignon (1986-1988), et directeur de cabinet à la mairie (1989-1993), est mis en cause par plusieurs prévenus pour avoir organisé le système et réparti les fonds. Durant toute l'instruction, il a refusé de répondre aux questions des juges, invoquant leur "partialité". Il encourt jusqu'à dix ans de prison pour "complicité et recel de corruption et de trafic d'influence". Selon les dépositions concordantes d'une vingtaine de chefs d'entreprise (Bouygues, Dumez, GTM, Fougerolles,...) renvoyés devant le tribunal, les attributions de marchés étaient "arrangées" à l'avance. "De sévères rappels à l'ordre, accompagnés de menaces non voilées, pouvaient être adressés aux entrepreneurs pour leur rappeler leurs obligations", écrit le juge d'instruction Armand Riberolles dans son ordonnance de renvoi. Les sociétés versaient l'équivalent de 2% de chaque marché obtenu - 1,2% pour le RPR et le PR et 0,8% pour le PS - soit sous forme de "dons" d'apparence légale pour le financement politique, soit sous forme de valises de billets, soit par la prise en charge d'emplois fictifs. L'un des bénéficiaires présumés est un ami de Jacques Chirac, Guy Drut, champion olympique d'athlétisme et ex-ministre des Sports, qui comparaîtra pour avoir perçu entre 1990 et 1993 118.000 euros de salaires d'une entreprise. AVEUX DE PLUSIEURS TRESORIERS Fait rarissime dans les dossiers de corruption politique, l'accusation dispose des aveux de plusieurs trésoriers officiels ou occultes des formations concernées. L'ancienne "intendante" du RPR Louise-Yvonne Casetta, condamnée dans deux autres affaires, l'ancien trésorier du PR Jean-Pierre Thomas et l'ancien président de l'Association de financement du PS de 1991 à 1994, Gérard Peybernes, ont admis leur participation. Louise-Yvonne Casetta avait provoqué une mini-tempête en déclarant que Jacques Chirac savait que des entreprises "donnaient", tout en précisant qu'elle ignorait s'il connaissait l'existence de contreparties à ces "dons". Gérard Longuet, ancien président du PR et ex-ministre de l'Industrie, relaxé par le passé dans deux dossiers relatifs à ses sociétés et à sa villa de Saint-Tropez, sera également jugé. Comparaîtront aussi l'ancien président RPR du Conseil régional d'Ile-de-France Michel Giraud, un autre proche de Jacques Chirac, et Christine Lor, qui appartenait à son cabinet et a reconnu les faits. L'affaire a conduit deux fois les juges aux portes de l'Elysée. Fin 2000, lorsque Michel Roussin avait été incarcéré durant quelques jours, Jacques Chirac avait réagi. "En tant que président du RPR, je ne me suis jamais occupé des questions de financement", avait-il assuré à la télévision le 14 décembre 2000, ajoutant qu'il ne pouvait "pas croire" à l'existence d'un tel système. En juillet 2001, les juges avaient envisagé l'audition du chef de l'Etat, après la découverte de voyages payés en espèces (472.500 euros) entre 1992 et 1995. Le président avait alors affirmé dans un communiqué que cet argent provenait de "fonds spéciaux" conservés après son passage à Matignon entre 1986 et 1988. Les juges avaient auditionné la fille du chef de l'Etat, Claude, et plusieurs de ses proches, mais jugé impossible juridiquement d'entendre le président lui-même. Aucune poursuite n'a été engagée sur les voyages. La Cour de cassation a tranché en octobre 2001 en interdisant toute audition ou mise en examen du président pendant son mandat.
