Annonce Le président vénézuélien veut rendre la terre aux paysans et déclare la "guerre au latifundium" La première cible est une propriété britannique. A écouter : Le discours d'Hugo Chavez sur l'agriculture A Caracas , Hugo Chavez a signé, lundi 10 janvier, un décret sur la "réorganisation de la propriété et de l'usage des terres à vocation agricole". "La guerre contre le latifundium est l'essence de la révolution bolivarienne, a justifié le président vénézuélien. Il faut remettre de l'ordre dans la propriété foncière ; la terre doit être aux paysans, à ceux qui la travaillent réellement." M. Chavez a également mis en place lundi une Commission agricole nationale, présidée par le nouveau ministre de l'agriculture et des terres, Antonio Albarran. Son prédécesseur, Arnoldo Marquez, a été limogé dimanche, en direct lors du programme hebdomadaire de télévision "Alo Presidente". Le changement de ministre en pleine mobilisation n'a pas été expliqué, mais l'opposition parle de corruption. La loi sur la terre, adoptée en 2001, avait provoqué le début d'une longue confrontation, mais était restée lettre morte. Le décret du 10 janvier vise à canaliser les initiatives prises par les gouverneurs "chavistes" des Etats de Cojedes, Monagas et Yaracuy, qui avaient eux-mêmes signé des décrets d'application en décembre. Les gouverneurs de dix-neuf Etats contrôlés par des partisans de M. Chavez ont d'ailleurs été invités à parapher le décret présidentiel. 10 MILLIONS D'HECTARES La première cible choisie a été un immense ranch appartenant depuis 1903 à la famille britannique Vestey. Hato El Charcote, administré par Agroalimentaria Flora, filiale du groupe Vestey, couvre 12 900 hectares, consacrés à l'élevage. Les autorités contestent les titres de propriété de 3 500 hectares. Samedi, le gouverneur de Cojedes a lancé "l'intervention" sur ces terres au milieu d'un vaste déploiement de policiers, de militaires et d'hélicoptères. Des paysans qui occupent depuis quatre ans une partie du ranch craignent d'en être expulsés. "Le gouverneur ne peut pas nous contraindre à partir, plaide l'un d'eux. Nous voulons sauver El Charcote, qui est entre des mains anglaises. Ce sont eux qui ont envahi ces terres". "Une personne peut bien posséder 20 000 hectares, mais si elles produisent, ce n'est pas un latifundium", avait déclaré récemment M. Chavez. Le gouvernement prétend avoir répertorié "500 terres non exploitées et 56 latifundia", en tout 10 millions d'hectares. Quarante mille propriétés restent à inspecter. La Coordination démocratique (opposition) accuse l'Etat vénézuélien d'être "le principal latifundiste" du pays. "Par conviction idéologique, une partie des fonctionnaires ne croit pas au droit de propriété, assure le président de la Fédération des éleveurs (Fedenaga), José Luis Betancourt. Ainsi, il est impossible d'assurer les investissements et la stabilité à la campagne." Toutefois, le gouverneur de l'Etat pétrolier de Zulia, l'opposant Manuel Rosales, a admis que "personne ne peut soutenir des terres improductives". Il ne s'agit pas de "repartir des terres comme le Père Noël, mais de produire en fonction de la politique agricole du Venezuela, en fonction de la justice sociale et de l'équité", a ajouté le gouverneur, une des rares personnalités de l'opposition qui a échappé au raz de marée "chaviste" des élections d'octobre 2004. Depuis 1998 qu'il est au pouvoir, Hugo Chavez a distribué des terres publiques à 130 000 familles. Interviewée par la BBC, la dirigeante paysanne Emma Ortega estime que c'est très peu. "Il y a suffisamment de terres de l'Etat pour résoudre le problème des paysans pauvres, dit-elle. Mais il faudrait s'en prendre aux intérêts de beaucoup de militaires, qui occupent illégalement des terres". Jusqu'à présent, les programmes sociaux avaient ciblé la population urbaine déshéritée, principal réservoir de l'électorat "chaviste". "Nous avons commencé le bond en avant, a proclamé Hugo Chavez. Tenez bien les rênes, parce que ce bond sera gigantesque, car nous allons gagner l'élection présidentielle de 2006 par une différence d'un million de voix."