Démission Le président du directoire du groupe allemand abandonnera ses fonctions à la fin de l'année Le patron de DaimlerChrysler démissionne Jean-Marc Philibert [29 juillet 2005] Le «Rambo de la nation», comme l'avait surnommé la presse allemande, semble surtout payer les contre-performances en série de son groupe et les échecs de sa stratégie. (Photo V. Kessler/Reuters.) Jürgen Schrempp, l'emblématique patron de DaimlerChrysler depuis dix ans, n'aura finalement pas réussi à sauver sa place. Hier, à la surprise générale des milieux d'affaires, il a présenté sa démission au conseil de surveillance du géant de l'automobile, mettant un terme à son mandat beaucoup plus tôt que prévu. Jürgen Schrempp quittera son poste à la fin de l'année, un peu plus de deux ans avant la date programmée d'avril 2008. Il sera remplacé par l'actuel patron de Chrysler, Dieter Zetsche, à partir du 1er janvier prochain. Signe de la crise au sein du management du groupe, à l'annonce de ce départ surprise, Eckard Cordes, le patron de Mercedes et réputé proche de Schrempp, a également proposé sa démission.«J'ai décidé en accord avec le conseil de surveillance que la fin 2005 était le moment optimal pour un changement à la tête de l'entreprise, a tenté d'expliquer Jürgen Schrempp, à l'issue de la réunion du conseil de surveillance à Francfort. Personne ne m'a approché pour me pousser à partir. Nous en discutions depuis longtemps. Je suis fier que nous ayions pu garder le secret, c'est un chef-d'oeuvre.» Le «Rambo de la nation», comme l'avait surnommé la presse allemande, semble surtout payer les contre-performances en série de son groupe et les échecs de sa stratégie. De la fusion douloureuse avec Chrysler en 1998 aux investissements hasardeux en Asie au sein de Mitsubishi Motors puis de Hyundaï, du cuisant échec de la Smart aux difficultés de Mercedes, Jürgen Schrempp avait fini par faire l'unanimité contre lui. A tel point que le magazine américain Fortune s'étonnait encore il y a quelques mois de son extraordinaire longévité à la tête du cinquième constructeur automobile mondial. Cet amateur de trompette – dont il joue toujours à l'occasion –, arrivé chez Daimler-Benz il y a quarante-quatre ans, est un personnage complexe, un patron à part dans le capitalisme allemand. Natif de Fribourg, fils d'un employé d'université, Jürgen Schrempp était entré comme simple apprenti mécanicien chez Daimler-Benz avant de grimper un à un tous les échelons. Un parcours atypique et détonnant outre-Rhin. Ami des puissants, proche de Nelson Mandela, l'ancien président d'Afrique du Sud où il possède d'ailleurs une ferme, l'homme a prouvé qu'il savait rebondir. Ainsi l'année dernière, il avait déjà failli être débarqué lors de l'assemblée générale du groupe. Fragilisé par les mauvais résultats de Mercedes, attaqué par ses actionnaires qui lui reprochent la destruction de près de 60 milliards d'euros de capitalisation boursière, humilié par son conseil de surveillance qui lui oppose son veto sur sa stratégie asiatique, Jürgen Schrempp montre alors que, comme les chats, il a neuf vies. L'amateur d'escalade réussit non seulement à faire reconduire son mandat pour trois ans mais aussi à se débarrasser de son rival et plus féroce détracteur, Wolgang Bernhard, réfugié depuis chez Volkswagen. «Nous empêcherons la prise de pouvoir unilatérale par les Français», avait alors déclaré ce proche de Gerhard Schröder, gelant du même coup, pendant quelques semaines, la mise en place du nouvel organigramme du consortium et provoquant une crise entre actionnaires français et allemands. Son entêtement avait alors ouvert la voie à un partage des pouvoirs au sein du futur comité exécutif du groupe et à la nomination d'un Allemand à la tête d'Airbus. Aujourd'hui, c'est en tout cas sans gloire que Jürgen Schrempp quitte la tête de DaimlerChrysler. Son bilan est critiqué. A commencer par celui de la fusion de Daimler-Benz et Chrysler, en 1998, dont la légende veut qu'il ait proposé le rapprochement à Robert Eaton, alors patron du constructeur américain, dans les toilettes d'un restaurant. Payé au prix fort, Chrysler se révélera vite un gouffre financier pour le constructeur allemand. En tout cas, jusqu'en 2004 année où le constructeur américain renoue avec les bénéfices. Or cette même année, Mercedes, le vaisseau amiral du groupe, connaît ses premières difficultés. Affectée par des problèmes de qualité, minée par une productivité trop faible, handicapée par les mauvais résultats de Smart, la marque de luxe voit ses bénéfices fondre de 62% en un an. Nul doute que les actionnaires lui ont fait payer, hier, le prix de cette chute. Jürgen Schrempp, qui quitte le groupe en renonçant à ses indemnités de départ et sans briguer un poste au conseil de surveillance, comme c'est l'usage, peut désormais se consacrer entièrement à ses deux jeunes enfants.
