Démission Le président de l'AFP démissionneLe personnel de l'agence a adopté hier une motion de défiance visant la direction.Le président de l'Agence France-Presse, Bertrand Eveno, a annoncé hier qu'il allait quitter son poste avant la fin de l'année, pour «des motifs personnels» et «professionnels», alors que son mandat courait jusqu'en octobre 2006. La nouvelle est tombée à 17 h 20 sur la messagerie interne de l'AFP, au moment même où les syndicats dépouillaient les bulletins de vote d'une motion de défiance visant la direction. La motion avait pour but de dénoncer un «grave manquement aux règles déontologiques» de la part de la direction, qui a transmis à la police, début octobre, une série de clichés montrant le tabassage d'un policier en civil sur le port de Bastia (Libération du 16 novembre).Surprise. Cette motion de défiance était la troisième qu'affrontait Bertrand Eveno depuis son élection il y a cinq ans au poste de PDG de l'AFP, la troisième agence de presse mondiale. Elle a été approuvée par une large majorité des votants (84,97 % contre 9,57 % et 5,45 % d'abstention).Pourquoi le PDG a-t-il choisi de démissionner hier, provoquant une réelle surprise parmi les salariés alors qu'il était demeuré en poste après deux premières motions de défiance ? Dans une courte interview à... l'AFP, il dément que son départ soit lié à la motion, affirmant qu'il a pris sa décision «à la fin de l'été». Et, dans le «message à tous» envoyé hier, il invoque son souhait d'«exercer une activité nouvelle d'entrepreneur individuel et d'investisseur personnel». Il justifie aussi son choix par «la nécessité d'une action cohérente» conduite par un président nouvellement élu et bénéficiant du «soutien affirmé du conseil d'administration».Faut-il en déduire que Bertrand Eveno ne bénéficiait plus, pour sa part, du «soutien affirmé» du conseil d'administration, composé de représentants de l'Etat, de l'audiovisuel public et de la presse ? En 2003, le PDG avait nommé à ses côtés, avec le titre de «directeur général gestion» un conseiller à la Cour des comptes, Pierre Louette. Cette nomination avait été interprétée comme un geste destiné à apaiser les inquiétudes de l'Etat devant la crise financière de l'agence. Crise qui avait conduit le PDG à vendre en crédit-bail le siège de l'AFP, place de la Bourse à Paris. A la même époque, Bertrand Eveno avait signé avec l'Etat un contrat d'objectifs et de moyens (COM) prévoyant une nette augmentation des abonnements de l'Etat, en échange d'une maîtrise de la masse salariale.Gestion critiquée. La vente de l'immeuble de l'AFP avait provoqué une très vive épreuve de force avec les salariés. A l'époque, cependant, Eveno était sorti vainqueur de ce bras de fer. Le PDG semblait alors parti pour un second mandat relativement paisible, face à des syndicats affaiblis.Il n'en a rien été. Et c'est sur sa gestion du personnel que le PDG a fait par deux fois l'objet d'une motion de défiance en 2004, une première fois pour avoir attribué des «bonus» secrets à des responsables, et la seconde pour avoir confié la gestion des salaires des directeurs (l'AFP en compterait pas moins de 25) à un service ad hoc, au moment même où le personnel était prié de se serrer la ceinture.Eveno était également contesté par certains pour «son absence de stratégie». Une critique qu'il a toujours contestée, citant en exemple le développement du service photo et les projets vidéo liés à la chaîne d'information internationale en gestation.Sa succession sera évidemment surveillée de près par l'Elysée, Matignon et... la place Beauvau, à quelques mois de la présidentielle. Pièce essentielle des médias en France, l'AFP est un enjeu de pouvoir pour tous les candidats, même si sa rédaction a depuis longtemps fait la preuve de son professionnalisme et de son indépendance.
