Démission Le président bolivien démissionne sous la pression de la rue Le président bolivien, Carlos Mesa, a annoncé sa démission, lundi 6 juin au soir à la télévision, après qu'une grande marche a réuni à La Paz, dans la journée, plus de 80 000 manifestants réclamant la nationalisation du secteur du gaz ainsi que son départ. "Je crois que ma responsabilité est de dire qu'il n'est pas possible d'aller plus loin, ce qui motive ma décision de présenter ma démission de la charge de président", a expliqué M. Mesa, visiblement consterné. Ayant renoncé à ses fonctions après s'être entretenu avec le haut commandement militaire et avoir présidé un conseil des ministres, le président démissionnaire devrait rester provisoirement en poste jusqu'à ce que le Parlement, qui pourrait se réunir mardi, élise un successeur. Le président du Sénat, Hormando Vaca Diez, est le premier dans la ligne de succession, suivi du président de la Chambre des députés, Mario Cossio, puis du président de la Cour suprême, Eduardo Rodriguez. Les présidents des chambres peuvent aussi décider de démissionner, ce qui ouvrirait la voie à la convocation d'élections législatives et d'une présidentielle anticipées. 80 000 PERSONNES DANS LES RUES DE LA PAZ Alors qu'au début de cette troisième semaine de mobilisation les manifestations et les barrages routiers s'intensifiaient, provoquant une pénurie alimentaire et de carburant à La Paz, l'église catholique avait pourtant lancé, dimanche et lundi, des consultations tous azimuts pour tenter de trouver une issue à la crise. Mais la situation s'est précipitée lundi. Dans la journée, plus de 80 000 personnes, en majorité des indigènes quechuas et aymaras, des paysans, des mineurs, des syndicalistes et des enseignants, ont défilé à La Paz en faisant exploser d'innombrables pétards pour réclamer la nationalisation du secteur du gaz, aux mains de compagnies étrangères depuis 1997, ainsi que le départ de M. Mesa. Peu avant la démission du président, le chef de l'opposition, le député socialiste Evo Morales, en retrait de la mobilisation des dernières semaines, a même rejoint le camp des manifestants. Le président doit se retirer "afin de faciliter une solution politique et constitutionnelle", avait alors indiqué M. Morales, après s'être réuni avec des représentants de l'Eglise. Il a également appelé à des élections à la fin de l'année. Auparavant, M. Mesa et le personnel du palais présidentiel avaient dû être évacués pendant deux heures parce que des manifestants étaient presque parvenus à briser le cordon de sécurité. M. Mesa était ensuite revenu au palais Quemado pour couper court à des rumeurs sur son éviction. DEUXIÈME RÉSERVE DE GAZ D'AMÉRIQUE DU SUD L'agitation qui a conduit à la démission du chef de l'Etat a touché toute la Bolivie, 78 barrages routiers ayant été érigés un peu partout dans le pays. Les manifestants de lundi voulaient ainsi montrer leur force, alors que les provinces prospères de l'ouest et du sud du pays ont des velléités autonomistes et ont convoqué un référendum pour la mi-août, menaçant de couper le pays en deux. La mobilisation portait également sur le gaz, la Bolivie possédant en effet la deuxième réserve de gaz d'Amérique du Sud derrière le Venezuela. Mais la majorité de ces ressources ont été découvertes grâce aux explorations menées par les compagnies étrangères depuis la fin des années 1990. En cas de nationalisation de cette énergie, celles-ci - dont la brésilienne Petrobras, l'espagnole Repsol, la française Total - ont déjà annoncé qu'elles réclameront de fortes indemnisations de l'Etat bolivien. Carlos Mesa, journaliste et historien sans base politique, occupait le poste de président depuis vingt mois, après avoir été investi par le Parlement le 17 octobre 2003 comme successeur du néolibéral Gonzalo Sanchez de Lozada. Celui-ci avait fui en hélicoptère en pleine nuit après une rébellion populaire déjà motivée par la question du gaz et qui avait alors été réprimée dans le sang. Plus de 80 personnes avaient trouvé la mort dans les affrontements.