Scandale Le premier ministre canadien s'accroche au pouvoir malgré un scandale de corruption qui touche le Parti libéral Mis à mal par un vaste scandale de corruption qui touche le Parti libéral, le premier ministre canadien, Paul Martin, s'accrochait au pouvoir, mardi 12 avril, alors que l'opposition semblait avoir renoncé à faire tomber tout de suite son gouvernement minoritaire, moins d'un an après les dernières élections générales. "J'ai l'autorité morale pour gouverner le pays", a assuré, lundi 11 avril, Paul Martin, tandis que le Canada est secoué depuis une semaine par des témoignages devant une commission d'enquête qui dépeignent un véritable système de détournements de fonds publics par le Parti libéral dans les années 1995-2002. Paul Martin, qui n'était que ministre des finances à cette époque, s'est dit "outré par les témoignages entendus", mais l'opposition lui mène la vie dure à la Chambre des communes. "SCANDALE DES COMMANDITES" Cette tempête politique est le dernier avatar du "scandale des commandites", une affaire qui provoque des remous depuis trois ans et remonte aux lendemains du référendum sur l'indépendance du Québec, évitée de justesse en 1995. Affolé à l'idée d'avoir frôlé la partition du Canada, le premier ministre d'alors, Jean Chrétien, avait décidé d'inonder la province rebelle de symboles canadiens, une campagne de publicité qui avait surtout servi à payer grassement des amis du Parti libéral. Aux élections générales de juin dernier, ce scandale a déjà coûté aux libéraux leur majorité absolue aux Communes, mais les dernières révélations devant la commission d'enquête du juge John Gomery pourraient leur faire perdre le pouvoir. Un nouveau sondage donnait, mardi, 30 % des intentions de vote aux conservateurs, contre seulement 27 % aux libéraux. CONCLUSION DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE Le sort du gouvernement dépend donc de l'opposition puisque les deux principales formations - les conservateurs et les indépendantistes québécois - ont assez de députés à elles deux pour faire triompher une motion de censure. Mais le pari est risqué car les sondages montrent aussi que la grande majorité des Canadiens est hostile à la convocation d'un scrutin avant même la conclusion de la commission d'enquête, attendue en novembre. Gilles Duceppe, chef du Bloc québécois, groupe parlementaire des indépendantistes, a expliqué avoir renoncé à proposer une motion de censure parce que les autres formations de l'opposition ne l'auraient pas suivi. A la place, il a déposé une motion intimant au Parti libéral de mettre dans un compte bloqué "tout l'argent issu du scandale des commandites". La popularité des indépendantistes a tout à gagner avec la diffusion quotidienne des audiences de la commission Gomery, qui détaillent les intrigues libérales passées pour lutter contre la sécession québécoise. UN GOUVERNEMENT MINORITAIRE "Les conservateurs ont-ils le cran d'attendre?", s'interroge le Globe and Mail, résumant le dilemme de leur chef, Stephen Harper. Au vu des sondages, il peut espérer prendre le pouvoir, mais avec un gouvernement minoritaire lui aussi. S'il attend, ne serait-ce que quelques semaines, il peut voir les libéraux enfoncés par d'autres révélations à la commission Gomery, mais il court le risque aussi de les voir redresser la tête. Mardi, le numéro deux, Peter MacKay, soulignait sur Radio-Canada qu'il fallait faire preuve de "patience en démocratie", laissant entendre que son parti n'était pas encore prêt à tenter sa chance. Portant le combat sur un autre front, Stephen Harper annonçait qu'il allait déposer des amendements pour "préserver" l'institution du mariage, une manière de faire dérailler le projet de loi légalisant le mariage gay, actuellement à l'étude au Parlement. Cette initiative, qui a peu de chances d'aboutir, pourrait aider quelques députés libéraux à sauter le pas en rejoignant les conservateurs, alors qu'au moins deux d'entre eux s'interrogent déjà à haute voix.