Procès Le pouvoir ouzbek juge les "insurgés" d'AndijanQuatre mois après la répression meurtrière du soulèvement armé d'Andijan, ville de l'est de l'Ouzbékistan, le procès de quinze hommes accusés par le pouvoir ouzbek d'être des meneurs de l'insurrection devait s'ouvrir, mardi 20 septembre, devant la cour suprême de Tachkent. Les quinze hommes douze ressortissants d'Ouzbékistan et trois du Kirghizstan, la République voisine , sont accusés de "tentative de renversement de l'ordre constitutionnel" , de "terrorisme" , d'"homicide volontaire" et de "détention illégale d'armes" , et risquent la peine de mort.Le 13 mai à Andijan, ville de la vallée du Ferghana ouzbek, densément peuplée et haut lieu de ferveur religieuse islamique depuis des siècles, un commando d'une centaine d'hommes s'était rendu maître du centre-ville, investissant les bâtiments de l'administration locale et ouvrant les portes de la prison pour en libérer entre autres vingt-trois entrepreneurs accusés d'extrémisme islamiste et pour lesquels la population locale avait pris fait et cause. L'armée et la police avaient ouvert le feu sur les manifestants rassemblés sur la place centrale bouclée au moment du soulèvement, faisant des centaines de morts 187 selon le décompte officiel, entre 300 et 700 selon des ONG.Quatre mois plus tard, ce qui s'est passé à Andijan reste flou. Combien de personnes ont été fauchées par les tirs des forces de l'ordre alors qu'elles tentaient de fuir ? Qui a donné l'ordre de tirer sur la foule ? D'où est venu le commando armé qui, selon de nombreux témoignages, a investi la ville, a pris des otages, a abattu de sang-froid des fonctionnaires, des prisonniers et des civils ? Les autorités ouzbèkes, muettes sur les raisons d'un usage si massif de la force envers les civils, sont plus disertes sur les agissements du commando.Selon le parquet, les quinze accusés sont des "terroristes internationaux" , membres de diverses organisations islamistes (Akramya, Hizb-ut-Tahir, Mouvement islamique du Turkestan) qui cherchaient à renverser le pouvoir en place. Surtout, affirme le parquet, ce serait avec le soutien de "forces étrangères destructrices" qu'ils ont pu lancer leur attaque armée sur la petite ville. Le ton avait été donné le 31 août, jour de la fête de l'indépendance, par le président Islam Karimov, prompt à fustiger "ces forces proches et lointaines, prêtes à tout pour atteindre leurs buts destructeurs et répugnants, pleines de mauvaises intentions envers nous, tant elles ne peuvent supporter notre vie paisible et nos efforts assidus pour ériger une nouvelle société" . L'enquête pointe du doigt le Kirghizstan voisin, où les membres du commando auraient été entraînés par des "instructeurs étrangers" depuis août 2004.Les autorités kirghizes démentent. "C'est une histoire à dormir debout. La base de Teke citée dans le rapport comme le lieu d'entraînement du commando, placée sous la responsabilité du ministère kirghize de la défense, est gardée par des unités militaires et sert de centre d'études à nos recrues" , a expliqué le 13 septembre au quotidien russe Nezavissimaïa Gazeta , le ministre par intérim de la défense kirghize, Ismaïl Isakov.BASES AMÉRICAINESDepuis l'éviction du président kirghize Askar Akaev au terme d'une révolution de palais au printemps 2005, les relations entre les deux pays n'ont cessé de se dégrader. Islam Karimov, un ancien responsable de la planification soviétique, qui tient le pays sous sa férule depuis 1990, ne perd pas une occasion de condamner les "révolutions de couleur" fomentées "avec l'aide de l'extérieur" au Kirghizstan, en Ukraine (2004) et en Géorgie (2003).Avec les événements d'Andijan, de nouvelles frictions sont apparues. En mai, 500 personnes qui fuyaient la répression ont trouvé refuge au Kirghizstan, dont la frontière est proche d'Andijan. L'Ouzbékistan a aussitôt demandé leur extradition. En juin, quatre Ouzbeks (Dilshod et Tavakal Khadjiev, Hasan Chakirov, Muhammad Kadyrov), bien que placés sous la protection du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) ont été donnés aux services ouzbeks de sécurité. Leur sort est inconnu depuis. Jugeant la situation intenable, le HCR s'est dépêché d'organiser en juillet le départ de 439 réfugiés vers la Roumanie.Dans la foulée, les Etats-Unis ont été priés d'évacuer dans les six mois la base de Karsi-Khanabad, louée pour 50 millions de dollars par an à l'Ouzbékistan depuis octobre 2001. En revanche, l'usage de celle de Manas, au Kirghizstan, leur reste acquis, comme l'a souligné le nouveau pouvoir kirghize.
