Scandale Le pétrolier Ioukos est soupçonné d'être au cœur d'un scandale de blanchiment dans le sud de l'Espagne 250 millions d'euros de neuf réseaux mafieux impliqués dans le trafic de drogue, la prostitution, l'extorsion de fonds ou la vente d'armes étaient blanchis sur la Costa del SolLondres et Madrid de nos correspondantsLe géant pétrolier russe Ioukos, en difficulté avec la justice de son pays, est probablement impliqué dans le vaste réseau international de blanchiment d'argent en cours de démantèlement sur la Costa del Sol : "En ce qui concerne Ioukos, il semble que oui, qu'il puisse effectivement y avoir une relation directe ou indirecte mais je ne peux pas non plus l'affirmer" suggérait ainsi, mardi 15 mars, le procureur espagnol Antonio Salinas, à Malaga, où se sont réunis les procureurs antimafia espagnols. A en croire les enquêteurs, une partie des fonds recyclés par le cabinet d'avocats Del Valle ont été détournés de la major russe des hydrocarbures, via une société de droit néerlandais, pour être réinvestis en Espagne par le truchement d'une filiale. Le directeur général de Ioukos, Steven Theede, a aussitôt démenti, affirmant que ni le groupe ni aucune de ses filiales ou de ses sociétés affiliées n'avaient "d'activités autorisées ni de comptes bancaires en Espagne".A en croire son entourage, il pourrait s'agir d'un nouveau coup bas du Kremlin qui s'efforce de détruire l'ancien numéro un russe du pétrole depuis octobre 2003, date de l'arrestation manu militari de l'ex-patron de Ioukos, Mikhaïl Khodorkovski, actuellement jugé à Moscou pour fraude et évasion fiscales.L'opération "Baleine blanche", commencée en septembre 2003 sur commission rogatoire française à propos d'une société liée à un trafiquant de drogue, est l'un des plus importants coups de filet anti-mafia jamais effectués en Europe. Il a permis de mettre au jour et de démanteler un vaste réseau international de blanchiment d'argent, portant sur au moins 250 millions d'euros, dirigé par un cabinet juridique de Marbella, sur la Costa de Sol.L'argent sale proviendrait de neuf réseaux mafieux différents impliqués dans le trafic de drogue, la prostitution, l'extorsion de fonds ou la vente d'armes. Sur les quarante et une personnes arrêtées, la semaine dernière, dix sont toujours en détention. Plus de 250 immeubles ont été saisis, ainsi que des voitures de luxe, un yacht, deux avions, des œuvres d'art, des bijoux ou bien de l'argent liquide.Comme un mécanisme bien huilé, les "lessiveurs" ont fait tourner des fonds d'origine mafieuse pour les investir dans le secteur de l'immobilier ou le luxe. Considéré comme le "cerveau", l'avocat chilien Fernando del Valle a utilisé une poignée de paradis fiscaux "pour bouger l'argent en laissant le moins de trace possible", selon la police. Le dispositif monté par le cabinet était constitué d'un bon millier de sociétés écrans, dormantes ou actives, ayant, pour la plupart, leur siège sur la Costa del Sol, mais aussi à Gibraltar, sur l'île de Man, au Luxembourg, en Andorre et aux Pays-Bas.Pourquoi Ioukos est-elle montrée du doigt ? Cette affaire met en exergue le recours par l'entreprise russe à certaines places financières off shore dans le collimateur des enquêteurs espagnols. En premier lieu, Gibraltar et ses 80 000 "boîtes aux lettres" fiduciaires pour 30 000 habitants. La Menatep, la holding qui contrôle près de la moitié des titres de Ioukos appartenant à Khodorkovski et à ses principaux associés, est immatriculée dans la colonie britannique. Par la suite, ces titres ont été transférés à des trusts enregistrés sur l'île de Man (îles anglo-normandes) sous l'enseigne Ioukos International. La société Valmet, aujourd'hui disparue, responsable de la "sanctuarisation" de la fortune de Khodorkovski, était également sise à Man. Enfin, les sociétés énergétiques ont souvent recours à la filière des compagnies et filiales néerlandaises afin de payer moins d'impôts.Le déballage médiatique lié à cette affaire tombe mal pour l'état-major de Ioukos, réfugié à Houston. Le 19 février, un tribunal texan doit examiner l'appel du groupe contre la décision de justice de lui retirer la protection du chapitre 11, qui aux Etats-Unis permet à une société en difficulté financière de continuer à fonctionner.
