Annonce Le Pentagone prépare les procès des détenus de Guantanamo Ce n'est sans doute pas une coïncidence. Vingt-quatre heures après le jugement de la Cour suprême reconnaissant aux «combattants ennemis» le droit de faire appel aux tribunaux civils américains (nos éditions d'hier), le Pentagone annonçait mardi l'établissement de la première «commission militaire», composée de cinq membres sous la présidence du colonel en retraite Peter Brownback. Elle entendra les trois premiers accusés parmi les quelque 600 étrangers de la base de Guantanamo Bay, à Cuba, détenus dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Ali Hamza Ahmed Sulayman al-Bahlul, du Yémen, et le Soudanais Ibrahim Ahmed Mahmoud al-Qosi sont présentés comme des anciens gardes du corps de Ben Laden et accusés d'avoir «comploté des crimes de guerre». David Hicks, un Australien converti à l'islam, devra en outre répondre à la charge de tentative de meurtre et de collaboration avec l'ennemi. La date des procès pourrait ne pas être connue avant plusieurs semaines. David Hicks est représenté par le «Centre pour les droits constitutionnels», qui a été le fer de lance de la contestation juridique ayant abouti lundi à la reconnaissance des droits des «combattants ennemis». Installé dans un modeste bureau du sud de Manhattan, près des grands cabinets d'avocats qui ne se sont guère intéressés à leur cas jusqu'à présent, le centre risque d'être submergé de demandes depuis la décision de la Cour suprême. Les familles de 70 détenus, dont celles de trois Français, s'étaient déjà tournées vers lui. «Avec le jugement de lundi, nous allons pouvoir aller de l'avant», indique l'un des avocats, Steven Watt. La décision de la Cour suprême ouvre les portes à la remise en cause de la constitutionnalité des tribunaux militaires. Elle donne un sérieux coup de pouce à une action en ce sens qui a déjà été intentée dans l'Etat de Washington. Pris de court, le gouvernement a brusquement relancé la procédure militaire qui dormait depuis deux ans et demi après avoir été approuvée le 13 novembre 2001 par le président Bush. Comme s'il s'agissait de ne pas la condamner prématurément après l'ouverture du recours à la procédure civile... Pour Steven Watt, «le gouvernement se débat encore avec les ramifications du jugement de la Cour, qui constitue un énorme revers pour lui. Après avoir perdu beaucoup de temps, il a annoncé la première commission militaire pour calmer le jeu et montrer qu'il fait quelque chose. Sauf que ce qu'il propose, c'est une procédure tronquée dans laquelle le président lui-même désigne le tribunal, définit ses règles et constitue l'ultime recours en appel. L'administration est à la fois juge, jury et bourreau». Le gouvernement a deux options, estiment les experts en droit international : prouver que les tribunaux militaires offrent toutes les garanties et le meilleur cadre juridique compte tenu des circonstances, ou autoriser les accusés à se tourner vers les tribunaux fédéraux civils. Dans ce second cas, il lui faudrait soit installer un tribunal fédéral sur la base de Guantanamo, soit assurer le transport des détenus sur les lieux des procès au hasard de leur désignation géographique. Selon le Los Angeles Times d'hier, une autre solution serait à l'étude : transférer tous les détenus dans une région des Etats-Unis où seraient centralisés tous les procès, de préférence dans une enceinte juridique considérée comme «conservatrice».
