Annonce Le Parti socialiste et le spectre de la division interne L'éviction de la direction du PS de Laurent Fabius et de ses amis ouvre les hostilités pour la désignation du candidat socialiste à l'élection présidentielle en 2007, alimentées par des désaccords sur la stratégie et les alliances pour la reconquête du pouvoir. Le "congrès de projet et d'orientation stratégique", convoqué pour la mi-novembre par le Conseil national (CN) du PS réuni samedi, dira quelle ligne politique a la préférence des militants. Le ou les vainqueurs de cette bataille prendront une option dans la compétition interne pour l'investiture, délivrée sans doute fin 2006-début 2007. MANQUE D'UNITÉ ET DE CRÉDIBILITÉ Le déroulement du CN laisse augurer une alliance avant le congrès, ou pendant celui-ci, autour d'une synthèse, entre le premier secrétaire François Hollande et l'ancien ministre Dominique Strauss-Kahn, face à Laurent Fabius, sorti vainqueur du référendum sur la Constitution européenne grâce au large succès du non. L'ancien premier ministre devra, pour l'emporter, trouver des alliés chez les rénovateurs et dans la gauche du parti, son influence propre étant généralement mesurée autour de 12, voire 15 % des militants, avant la consultation de dimanche dernier. Désormais débarrassée de cet encombrant numéro 2, la direction s'est mise en ordre de marche en vue de cette échéance. Invité du journal de 20 heures sur France 2, François Hollande a refusé de parler de sanctions à propos de Laurent Fabius, considérant que son refus de respecter la décision des Socialistes lors du référendum interne équivalait à une forme d'auto-sanction. Dans l'opinion, plusieurs enquêtes ont été menées ce week-end. Toutes font état d'un manque de crédit du PS et d'un défaut d'unité. Parmi les présidentiables, c'est Lionel Jospin qui arriverait en tête suivi de DSK et de Jack Lang. REMANIEMENT DANS LA DIRECTION DU PARTI La place au secrétariat national (l'exécutif du parti) des amis de Martine Aubry, Bertrand Delanoë et DSK se trouve renforcée. Plus significatif encore, François Hollande a fait entrer Serge Janquin, patron de la fédération du Pas-de-Calais, de loin la plus puissante du PS (11 000 adhérents), en dépit de la victoire écrasante du non (69,5 %) dans ce département. François Hollande se dit convaincu que "ceux qui ont transgressé les règles communes en faisant campagne contre la position officielle du PS pour le référendum seront sanctionnés politiquement par les militants" au Congrès. En précipitant de six mois l'échéance (le congrès était initialement prévu pour le printemps 2006), il espère priver M. Fabius de toute légitimité interne grâce au contrôle des fédérations, sur lesquelles veille le numéro 3 François Rebsamen, et à l'amertume de militants "très remontés" contre les fauteurs de troubles, selon M. Hollande. "Fabius cherche à prendre le parti de l'extérieur, son comportement est à l'évidence dicté par la présidentielle", affirme un ex-fabiusien qui a changé de camp. UN FRONT FABIUS-EMMANUELLI-MONTEBOURG ? La direction a présenté le CN de samedi comme une opération de "clarification", mais les fidèles de l'ex-premier ministre y voient une tentative de "normalisation", c'est-à-dire de mise au pas. "Tout cela ne vise qu'à une chose : éliminer Laurent Fabius de la course à la présidentielle", dit le député de Seine-Saint-Denis Claude Bartolone. Au CN, le député de Seine-Maritime a trouvé des soutiens : les rénovateurs du Nouveau Parti socialiste (Arnaud Montebourg et Vincent Peillon) et la gauche du parti (Henri Emmanuelli et Jean-Luc Mélenchon) ont voté contre sa mise à l'écart, stigmatisant "un repli de l'appareil sur lui-même alors que deux électeurs de gauche sur trois viennent de désavouer la position du parti" au référendum. La lutte se fera sur le positionnement politique et sur les alliances. M. Fabius a opté à nouveau samedi pour "un positionnement sans ambiguïté à gauche". "Il n'y aura pas de victoire sans une gauche et des Verts rassemblés (...) dans le respect de nos partenaires. Et il n'y aura pas de gauche et des Verts rassemblés sans refus du tout-libéral", a-t-il dit. François Hollande bataille contre un discours de "l'illusion" et affirme que "c'est le PS qui doit fixer la ligne du rassemblement, son contenu et ses formes et non se les faire imposer de l'extérieur".